Catégorie : La ronde et les enfants

Me cherche pas des poux… tu risquerais d’en trouver

Que les choses soient claires, avoir un enfant c'est avant tout du bonheur. Non je le dis parce que je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu, hein, celles qui en ont mis un en route ou celles qui en ont déjà, ne le ramenez pas au magasin, franchement, la plupart du temps, c'est plutôt chouette.

 

Mais il faut quand même savoir que parfois, ça craint.

 

Un exemple ?

 

Quand ton enfant attrape des poux.

 

En fait, les poux, c'est LE truc qui te fait peur du moment où petite chérie – oui chez moi c'est petite chérie qui en attrape, grand loulou lui n'a pas une tête à poux, la vie est une chienne et choisit ses victimes – est scolarisée. D'ailleurs en général, dès le 4 septembre, tout est fait pour alimenter ta névrose étant donné qu'à l'entrée de l'école apparait une énorme pancarte "ATTENTION LES POUX SONT REVENUS". Tu comprendras l'année suivante que cette pancarte est en réalité collée là depuis des décennies et que par honnêteté le corps professoral ferait mieux d'indiquer: "ATTENTION LES POUX NE SONT TOUJOURS PAS PARTIS".

 

La première fois que tu la vois la pancarte, tu es partagée entre la panique que ton enfant soit contaminée – par les autres bien sûr parce que c'est évident que petite chérie adorable ne PEUT pas être celle qui a fait entrer dans l'école ces sales bêtes – et la naïve certitude que "ça" n'arrive qu'aux autres. Surtout les gens de peu d'hygiène. ça bien sûr tu ne le dis pas parce qu'en vrai tu es quelqu'un de très ouvert et de super tolérant et que ce genre de pensée te fait un peu honte. N'empêche que tu repères assez rapidement le ou les enfants qui te semblent un peu moins soignés que les autres et que faisant fi de tous tes principes de gauche, tu suggères gentiment à petite chérie de ne pas trop sympatiser avec eux ou tout au moins de ne pas leur prêter son bonnet/ses chouchous/sa brosse à la piscine. Forcément, tu obtiens l'effet inverse, tu apprendras plus tard que les enfants se font toujours un malin plaisir de choisir justement pour amis ceux que tu aurais souhaité qu'ils évitent.

 

Et puis vient le jour où tu ne peux plus faire semblant de ne pas voir ta fille s'arracher le cuir chevelu à force de se gratter. Voire pire, le jour où devant cette chipie de Marie-Catherine, mère vénérable de Sidonie, très propre sur elle mais il faut bien l'avouer beaucoup moins gentille que les copines souillons de petite chérie, la maitresse te suggère d'une voix de stentor d'examiner ta fille dont la tête démangeait et sur laquelle il semble se mouvoir quelques bestioles.

 

Ce jour là tu pars honteuse, apercevant Marie-Catherine en train de murmurer quelque chose à sa peste. Et tu te doutes de ce qu'elle lui ordonne. La prunelle de tes yeux est devenue celle à qui on ne prête pas son bonnet/chouchou/brosse.

 

Qu'à cela ne tienne te dis-tu, on va régler ça très vite d'autant qu'il est évident que la maitresse se trompe. 

 

Une fois chez toi, tu installes alors confortablement la chair de ta chair sur tes genoux et commence, telle une maman guenon, à lui chercher des poux. Au départ, tu es même un peu attendrie par ce geste ancestral qui te rappelle celui de ta mère, il y a bien des années. En plus, à première, vue, rien. Tu en étais sûre, il n'y avait aucune raison de s'inquiéter, pas de ça chez nous.

 

Et puis tu regardes derrière les oreilles. Et là, elle est là. La garce. LA lente. Celle qui en son sein cache un foetus de pou. Accrochée telle une moule à son rocher au cheveu fin et délicat de ta princesse et à priori inoffensive. Accompagnée d'une autre. Et puis d'une autre. Ah, et là… Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii. Un pou. A ce moment là, il te faut rassembler tout ce qui te reste d'instinct maternel pour ne pas envoyer valdinguer petite chérie et te précipiter dans ton armoire à pharmacie afin de vider l'intégralité du produit anti-poux acheté un jour "au cas où" sur… TA chevelure.

 

Oui, à ce stade je dois bien te l'avouer, quand tu trouves des poux sur la tête à ta fille, c'est en général à ton propre crâne que tu penses en premier. C'est moche mais c'est humain.

 

Bref, comme tu es malgré tout une mère exemplaire, tu en laisses un peu pour ta fille. Qui se met à hurler que ça sent mauvais et qui finit par fondre en larmes parce que dans ton grand énervement tu la préviens que dès demain c'est coiffeur et carré au menton parce que tout couper c'est la seule solution, surtout si elle fait des histoires pour une petite odeur de rien du tout.

 

En général le produit en question est irritant et sent en effet le suppositoire à l'eucalyptus qu'on aurait laissé tremper dans un bain de purain. Tout le monde se réveille avec une migraine à se taper la tête contre les murs et des cheveux… en carton.

 

Vient ensuite l'étape du shampoing à l'issue du quel il te faut affronter le spectacle immonde des poux qui, étouffés par la mixture qui d'ailleurs a bien failli exterminer du même coup toute la famille pendant la nuit, tombent un à un dans la baignoire. Un conseil, tu ne te mets surtout pas à penser que quelques heures plus tôt ces bébêtes étaient bien vivantes en train de caracoler sur le duvet de soie de petite chérie. Surtout ne pas chercher à visualiser.

 

Je passe sur le peigne à pou que tu as d'ailleurs en général perdu. A ce moment là, tu n'en peux plus et chouchoute non plus. Tout le monde hurle et ce n'est plus le carré dont tu la menaces mais la boule à zéro.

 

Voilà, théoriquement, après toute cette prodédure standard, tu es censée avoir la paix. Sauf que non. Parce qu'une tête à poux est une tête à poux et qu'il y a fort à parier que tu doives renouveler l'opération régulièrement jusqu'à la puberté de petite chérie. A qui tu ne couperas évidemment jamais les cheveux.

 

Encore un détai et je te laisse. Le plus cool dans l'histoire c'est que pendant les mois qui suivront tu n'oseras plus aller mettre un orteil chez ton coiffeur. Parce que pire que d'apprendre de la bouche de la maitresse que pupuce a des poux, il y a l'air horrifié de la shampouineuse qui arrête séance tenante le délicieux massage du cuir chevelu qu'elle venait d'entamer pour te murmurer sans aucune discrétion que hum, la maison n'accepte pas les poux…

 

Je te laisse, ça me gratte et il faut que je file à la pharmacie.

Protégons nos filles des vilains papillons

Bon, vous allez finir par penser que le week-end c'est caritatif, médical et compagnie. En même temps, il est bon parfois de s'arrêter cinq minutes sur certaines informations capitales.

 

Et puis autant je répugne à vendre des crèmes de beauté ou autres soutiens-nénés, autant me faire le relais de causes que je juge bonnes, ça me semble assez louable. Ouais, louable, paaaarfaitement madame.

 

Donc, cette info, c'est Venise, fidèle parmi les fidèles, qui me l'a envoyée. Elle fait écho à un post que j'avais écrit il y a quelques mois et qui avait déclenché pas mal de réactions.

 

Venise, disais-je donc, m'a envoyé un mail pour me rappeler que le premier vaccin préventif contre les virus responsables de la plupart des cancers de l'utérus est disponible en France et ça depuis 2006. Il est recommandé pour les jeunes filles dès 12 ans et empêche les vilains papillons de préparer le nid d'un cancer qui survient souvent des années – sept en moyenne - après la contamination. Venise me dit qu'elle va emmener sa fille et qu'on devrait toutes faire pareil. Je sais que je le ferai quand le temps sera venu parce que moi les papillons m'ont déjà bien assez emmerdée comme ça pour que je les laisse s'en prendre à ma fille.

 

Vous allez me dire, ouais, elle est pas fraiche ton info. 

 

Sauf que. Sauf que voilà, jusque là, il y avait un hic, voyez-vous. Parce que ce vaccin coûte la bagatelle de 500 euros (trois injections plus les consultations) et qu'il n'était pas remboursé par la sécurité sociale. Et c'est là que ça devient intéressant. Depuis cet été, ça y'est , la caisse nationale d'assurance maladie le rembourse à 65%. Bon, quelque part je trouve que ce n'est pas assez, parce que si tu n'as pas de mutuelle, c'est encore trop cher pour certaines.

 

M'enfin c'est mieux qu'avant où cette prévention était réservée aux seules personnes qui en avaient les moyens. Voilà, je n'ai de leçons à donner à personne alors je ne vais pas vous dire ce que vous avez à faire. Je voulais juste que l'info selon laquelle désormais on avait plus besoin d'être riche pour se protéger du cancer de l'utérus vous soit parvenue…

 

Edit: Allez, bon match moi je dis. Et en passant, je suis fière de vous. Si on additionne ceux qui veulent plaquer Sarko, ceux qui veulent faire chouiner Madrange, heu, Laporte et ceux qui veulent faire haka avec Chabal, on obtient presque 80%. Des gauchistes et des obsédées sexuelles. Voilà ce que vous êtes. Savez quoi ? Je ne vous en aime que plus.

 

Edit2: J'ai supprimé le nom du vaccin, alertée par une lectrice qui me dit qu'il ne faut pas faire de la pub pour les médicaments. En même temps, ce n'est pas vraiment de la pub je pense, mais dans le doute…

Mea Culpa

Ceci est un mea culpa. Hier, je suis, je crois, tombée dans le panneau du politiquement correct. J'ai foncé tête baissée, faisant mentir Hachette: je suis en réalité une courge. Oui, j'avoue, j'ai pêché par naiveté en pensant que vraiment, ce petit film publicitaire était d'utilité publique. En fait, après avoir lu vos commentaires, je me suis juste rendu compte que j'avais été vite en besogne et que voilà, j'avais été totalement truffe. Un vrai jambon, pour filer la métaphore culinaire.

 

Parce que oui, Dove fait définitivement de la pub. En se servant de ce qui est le plus sensible chez nous – je dis "nous" au sens générique, j'ai conscience que toutes ici vous n'avez pas d'enfant – notre culpabilité maternelle.

 

Et aujourd'hui, je réalise. D'où qu'un publicitaire me dit que JE dois parler à ma fille ? Hein ?

 

D'où qu'on nous donne une leçon de "comment élever sa fille" dans un monde qui nous matraque en effet de toute part ? D'où surtout, c'est une marque de cosmétiques – à laquelle en plus je dois vous le dire, je suis allergique au sens propre du terme, à savoir que ça me file des plaques et des boutons – qui vient m'expliquer tout ça ?

 

Et d'où je suis assez cruche pour m'en faire le relais ?

 

D'où, hein ?

 

La réponse, je l'ai bien sûr. je me suis faite eue. Parce que voilà, cette culpabilité existe et qu'ils ont su frapper au bon endroit. Maintenant, le seul point positif est d'avoir pu parler de "ça", de nos peurs de mères et de nos enfants qu'on voudrait étreindre et protéger de la souffrance.

 

Alors qu'au fond de nous, on le sait bien qu'ils se cogneront aux murs comme nous nous sommes cognés. Et que notre rôle de mère consiste peut-être justement parfois à les laisser se cogner…

A toutes nos filles…

Il y a quelques jours, j'ai reçu un mail me demandant si je voulais participer à une nouvelle campagne de la marque Dove. Bon, là je me suis dit, ok, je sais, je suis la diversité mais y'a des limites à l'abnégation et moi en culotte sur des 4×3 dans toutes les rues de France et de Navarre, franchement même pour l'amour de toutes les femmes de la planète c'est no way. Et c'est pas la peine de fredonner Julie Pietri, ça ne marche pas.

Je m'apprêtais donc à expliquer tout ça à la gentille dame mais avant j'ai bien relu le mail et forcément je m'étais comme qui dirait légèrement trompée. En fait, ce qu'on me proposait c'était juste de m'envoyer en avant première pour que genre vous soyez à la pointe de l'actu, un petit film réalisé par Dove pour dénoncer le matraquage visuel imposé à nos petites filles…

Vous savez ce que je pense de la pub. Vous savez qu'en général je ne suis pas dûpe. Mais très honnêtement, s'il est une publicité qui a oeuvré dernièrement pour la cause des femmes je crois que c'est celle de Dove et de ses girondes en culotte. Et puis le film précédent qu'ils avaient réalisé, souvenez-vous, montrait comment grace à photoshop on transformait une fille banale en cover girl. Rassurant, non ? Bref, j'ai dit oui pour recevoir le film et je l'ai d'abord visionné, décidant de ne le mettre en ligne que si je pensais qu'il apporterait quelque chose. Et ma foi, je trouve que oui. Parce que j'ai une petite fille, peut-être. Une petite fille que j'ai vu hier rentrer son ventre inexistant devant la glace du salon. Une petite fille que je surveille comme le lait sur le feu pour lui éviter les souffrances vécues moi même à l'adolescence. Une petite fille que je rends probablement malgré moi totalement obsédée par la nourriture, ce qu'il faut ou non manger. A mon corps défendant…

 

Alors, parce qu'il est de plus en plus difficile d'accompagner nos filles sur le chemin de la féminité en toute sérénité, je vous propose donc de regarder ce petit film, et d'en discuter, si vous le voulez…

 

 

 
 
Edit: ClaireMM, j'ai toujours en tête ce post à quatre mains, c'est juste que j'ai du mal à l'écrire. Je vais finir par ublier ton mail, je crois…

Les enfants sont formidables

Hier, à Monoprix.

 

Alors que je passais à la caisse, mes enfants étaient occupés à regarder la petite vitrine des cadeaux auxquels on peut avoir droit lorsqu'on a accumulé assez de points avec sa carte de fidélité – entre nous, à part le gaufrier jaune que toute cliente assidue finit par commander un jour ou l'autre, il n'y a pas non plus de quoi s'exciter, à moins qu'une station météo fasse partie de vos rêves secrets – quand soudain mon fils, chair de ma chair, déboule et hurle de sa voix de stentor:

 

"Maman maman ! Tu sais avec ta carte tu peux gagner un machin pour te dépoiler sous les bras ! Tu sais comme celui qu'il y avait chez Maud ! ça tombe bien hein vu que t'en as plein en ce moment !"

 

 

Chéri, tu sais quoi ? Pour le troisième, oublie, c'est toi qui es dans le vrai.

Y’a-t-il un sac à vomi dans l’avion ?

Comme personne ne l'ignore désormais – ah bon, y'en a qui l'ignorent ? Alors allez par là, après vous serez au jus – l'avion et moi, ça fait deux, voire douze. Le problème c'est que y'a pas à dire, c'est pratique. Et que pour les îles grecques c'est même ce qui se fait de mieux, au moins pour aller jusqu'à Athènes.

 

Alors je n'ai écouté que mon courage et j'ai pour la première fois depuis cinq ans accepté de prendre un cercueil volant avec homme et enfants alors que PERSONNE ne m'y obligeait – le reste du temps je le prends sous la contrainte de mon employeur, en même temps c'est normal, dans mon emploi que j'ai je suis chargée de l'international, cherchez l'erreur.

 

Avant de partir, tout le monde me disait, "tu verras, avec les enfants de toutes façons, tu n'auras pas le temps d'avoir peur, en plus tu prendras sur toi parce que tu ne voudrais quand même pas leur transmettre ta phobie non plus ?". Vous remarquerez au passage comme cette phrase au départ réconfortante glisse subrepticement vers la culpabilisation, hein.

 

Je vous passe aussi les très réjouissants "Au moins vous partez tous les quatre, si y'a un problème, vous y passez tous, pas d'orphelins comme ça". Ah ben oui, là tout de suite, j'ai envie de courir à Orly pour un bon vieux suicide collectif, moi. Plus vite on se sera foutu en l'air, plus vite je serai soulagée, en fait.

 

Bref, y'a bien fallu le prendre ce navion à la con et sans tranquilisants en plus parce que je ne voudrais pas non plus transmettre mon addiction au lex*o à ma bambinette.

 

Alors après coup, que les choses soient claires, à tous ces gros malins qui m'assuraient que je n'aurais "pas le temps d'avoir peur", je dis: mistake. Quand tu affrontes ta phobie number one avec le fruit de tes entrailles, t'as la même trouille que d'ordinaire sauf que là en plus t'es obligée de la fermer. Du coup tu verbalises pas et la peur grandit, grandit à l'intérieur de toi jusqu'à devenir un truc bien pourri, tu vois.

 

Même pas possible de t'accrocher comme une malade à ton siège au décollage ou de freiner désespérément avec tes accoudoirs à l'atterrissage. Inimaginable également de faire l'oeuf à la moindre perturbation ou de t'enfiler des mignonettes pour faire passer le temps – rapport à l'alcoolisme que tu ne veux pas transmettre tout de suite à la chair de ta chair.

 

Il te faut aussi rester stoïque devant les innombrables questions de petite chérie tout éblouie de prendre l'avion for the first time et répondre sans pleurer à ce genre d'interrogations:

 

– Pourquoi il a un gilet de sauvetage le monsieur, maman ?"

 

– C'est rien ma chérie c'est juste au cas où on aurait une petite panne au dessus de la mer, du coup on aurait de quoi nager et le steward nous montre comment faire, ce qui est drôlement gentil de sa part, je trouve".

 

Deux minutes plus tard.

 

– Et si on a une panne mais pas au dessus de la mer, il se passe quoi maman ?

 

(voix étranglée) Je… ben disons que dans ces cas là on a pas besoin des gilets de sauvetage, tu vois ?

 

– Oui mais qu'est-ce qui se passe ?

 

– (voix de plus en plus blanche) Ecoute, je ne sais pas, de toutes façons ça n'arrive jamais mon petit coeur, pas la peine d'avoir peur, regarde, maman n'a pas peur, donc toi non plus, hein ?

 

– Nan mais j'ai pas peur, je veux juste savoir qu'est-ce qui se passe ?

 

– (voix de folle) Ce qui se passe ? On s'écrase. Voila ce qui se passe. Et on meurt tous. Terminé, basta, plus personne. Voilà, t'es contente maintenant ? D'autres questions ?

 

Vous l'aurez compris, je crois qu'au niveau de la transmission de phobie, je ne me suis pas loupée sur ce coup là. Rassurez vous, pupuce qui est prête à pleurer pour une fourmi écrasée est restée totalement de marbre, croyant peut-être à une plaisanterie maternelle ou révélant à cette occasion une solidité psychologique hors du commun. A moins qu'elle soit insensible. Si ça se trouve j'ai enfanté un monstre. Quoi qu'il en soit, tout le voyage a été à l'avenant. J'ai donc eu droit à l'épluchage consciencieux de la fiche de sécurité:

 

- "Maman, pourquoi la dame sur le dessin elle met sa main sur la tête de son bébé ?"

 

– (voix larmoyante): pour le protéger pendant le crash mon amour"

 

 - "Et là, pourquoi faut se mettre en boule ?

 

(voix terrifiée): pour ne pas abimer ta tête au cas où l'avion atterrit brutalement mon petit coeur"

 

 - Oh t'as vu, y'a des tobbogans sur les côtés ! Dis, tu crois qu'on va aller sur les toboggans ? Dis, on ira ?"

 

– (voix recueillie): Dieu nous en préserve, mon petit amour… 

 

Le coup de grace ayant probablement été l'exclamation deux minutes après le décollage:

 

"Tiens, on s'est arrêtés ! T'as vu maman ? On entend plus le moteur, on s'est arrêté ! C'est déjà là la Grèce ?".

 

Bon, je vous rassure, après je l'ai moins entendue parce que pupuce n'a certes pas du tout peur en avion, mais en revanche… elle est malade.

 

Comme en voiture, en train, en bâteau, en métro, en bus. Il me manquait l'avion, et bien ça y'est, j'ai pu vérifier qu'elle pouvait AUSSI vomir en l'air. Trop forte ma fille, une warrior du dégueulis.

 

Et c'est à ce moment là, je vous le dis, que j'ai regretté d'avoir mégotté sur l'argent et choisi Easyjet. Déjà les mignonettes, gosse ou pas gosse, t'oublies ou tu les payes le prix d'un Paris-New-York. Tu prends aussi un aller simple pour la phlébite avec les douze centimètres impartis pour tes jambes mais ça c'est limite pas grave au regard de ce que j'ai vécu lors de la descente sur Athènes.

 

Parce que figurez vous que chez Easyjet, ils font même des économies sur les sacs à vomi. Non seulement ils les changent pas d'un voyage à l'autre – à savoir que celui de petite chérie avait servi de cendrier à chewing gum à son prédécesseur ce qui n'a pas rendu son ouverture facile – mais je suis prête à parier également qu'ils rognent sur les dimensions. C'est simple, pupuce en a rempli cinq, sans compter ce que j'ai pris sur mon pantalon.

 

Le point positif, c'est qu'en effet, à ce moment là, je le concède, j'ai oublié que j'avais peur. Le point négatif c'est que mon mignon voisin, lunettes mouche gucci, sac monogrammé et parfum JPG a bien failli finir le travail de petite chérie – elle a le gerbis communicatif, le trésor - et que lorsqu'il s'est aperçu que je lui avais subtilisé sa pipette à vomi, je pense pouvoir affirmer que ce que j'ai vu dans ses yeux c'était de la haine pure.

 

Voilà, moi je dis, fais des gosses, avec eux c'est Koh Lanta tous les jours sauf que tu gagnes jamais rien à la fin…

 

Complètement toquée

J'ai des tocs.

 

Bon, ça y'est c'est dit.

 

En même temps ça va, il y a probablement plus honteux que ça, d'autant que mes tocs ne consistent pas non plus à manger le bulbe de mes cheveux – si je vous jure que ça existe, la preuve, Delarue en a rencontré – ou à ronger mes ongles de pied.

 

N'empêche que j'ai des tocs et parfois, c'est assez pénible. En fait mes tocs sont mentaux, ce sont plutôt des pensées obsessionnelles, d'ailleurs les psys n'appelleraient probablement pas ça des tocs. M'enfin je m'en passerais.

 

Par exemple, si je souhaite très fort quelque chose, je m'oblige à penser qu'en réalité je m'en fiche et que de toutes façons ça n'arrivera pas. Ou alors, je me persuade que le pire va se produire pour conjurer le sort. Mais attention, je fais ça pour TOUT et depuis TOUJOURS.

 

Parfois, je me surprends à faire comme quand j'étais petite et à me forcer à marcher sur le bord du trottoir en me disant que si je tombe, je perds mon travail, je rate mon train, je me plante à l'oral du bac… Bref.

 

Quand je prends l'avion – je vous rappelle que l'avion n'est pas à proprement parler mon ami et qu'on ne peut pas vraiment dire que voler ce soit easy easy pour moi – les tocs se multiplient. Il me faut la petite Charlotte aux fraises de ma fille dans mon sac, sinon le risque de crash est quasi certain. Parfois, je l'avoue, c'est atroce, je me réjouis si j'apprends dans les jours qui précèdent le vol qu'un 747 s'est écrasé. Je me dis que statistiquement tout de même… Ensuite, le moindre micro-événement prend des proportions hallucinantes. Si le RER pour Charles de Gaulle tombe en panne je suis certaine que c'est un signe évident de dieu pour que surtout je n'entre pas dans ce cercueil volant. Si mon fils me supplie de rester, c'est parce qu'il a senti qu'on ne se reverra pas. Si l'homme a oublié de m'embrasser, c'est pour la même raison. Bref.

 

Pire, si d'aventure je n'ai pas spécialement peur à l'idée d'embarquer – ça se produit rarement mais ça arrive – alors là, je suis prise soudain d'une panique irraisonnée: si je n'ai aucune angoisse c'est qu'à coup sûr c'est pour aujourd'hui. C'est bien connu, c'est toujours quand on s'y attend le moins que les pires tuiles nous tombent dessus, non ? Bref.

 

Voilà. Vous le savez maintenant, je suis complètement barrée.

 

Mais mon plus grand toc, c'est tous les soirs qu'il se manifeste. Oui, tous les soirs, depuis que mes enfants sont nés, je me dois d'aller les écouter respirer avant de me coucher. Quelle que soit l'heure, quel que soit mon état. Même saoule et à moitié chancelante, il faut que j'y aille.

 

Parfois, de fatigue, j'oublie et me glisse épuisée sous ma couette. A peine la lumière éteinte, je m'aperçois de ma négligence. Au départ, je tente de m'endormir et là, la pensée coupable s'insinue, perverse et tenace: si je n'y vais pas, ils vont mourir.

 

Alors je me relève en grelottant et titube à moitié nue dans les chambres attenantes. Je passe un doigt sur leur joue et vérifie que leur respiration est régulière. Ensuite seulement je peux aller m'abandonner au sommeil.

 

Ce toc là, je ne l'ai avoué à l'homme qu'il y a deux jours. Bien sûr, il avait remarqué que je me relevais sous de fallacieux prétextes (pipi, soif, chaud, froid, lumière oubliée, etc). Mais il ne savait pas que tous les soirs c'est bien plus qu'un dernier bonsoir qui se joue. Tous les soirs, c'est une question de vie ou de mort.

 

Tout passe ?

Aujourd'hui, Je voulais vous parler de cette petite fille au prénom de fleur qui se bagarre encore contre un microbe tenace, mais je n'y arrive pas. Cette naissance difficile, sept ans presque jour pour jour après celle de mes enfants remue trop de choses.

 

C'est étrange. On vit bien, on avance tous les jours, droits dans ses bottes et on se dit que les plaies sont refermées. Et puis il suffit d'un couloir d'hôpital, d'une amie chère qui se ronge les sangs pour son bébé fragile, pour que tout remonte violemment.

 

Tout ? Un accouchement dont le souvenir s'est perdu dans un produit anesthésiant. Le contact froid de la table du bloc opératoire sur mes reins en feu. Le réveil sur un brancard avec l'homme qui pleure et me dit qu'ils sont beaux. Un charriot sur lequel sont posées deux couveuses, poussé par une pédiatre du Samu. On les emmène loin, à l'autre bout de Paris. Je touche un poignet, celui de mon fils, et puis plus rien. Il ne reste plus que ce ventre coupé en deux. Vide.

 

Plus tard, les sirènes du Samu, encore, la poitrine de mon minuscule fils qui se soulève trop fort, trop vite. La précipitation, les infirmières qui courent et qui tournent la tête quand elles nous voient, l'homme et moi. Une salle d'attente d'hopital vide et la certitude que la prochaine fois que la porte s'ouvrira, un médecin annoncera sa mort. Les prières pour que la porte ne s'ouvre pas. 

 

L'homme qui me serre et me jure qu'il ne m'abandonnera jamais.

 

La porte s'est finalement ouverte et il était vivant. Mais je crois que moi je suis morte un peu, ce jour là.

 

On dit que tout passe, mais c'est faux.

 

Edit: Aux dernières nouvelles la miss remonte vaillament la pente. Les pensées positives, ça marche !

Pas l’écooooooole !

Aujourd'hui, c'est la rentrée. Mes bébés – de six ans, d'accord, mais je vous assure que dans le creux de leur cou ça sent ENCORE le bébé – entrent au CP. J'en suis toute retournée et tout à l'heure, au moment de les laisser devant l'école il va falloir que je me comporte en adulte. Cette année, promis, je ne vais pas pleurer. Je le sens bien. Déjà, l'année dernière, pour la grande section, ça s'est plutôt bien passé, j'ai réussi à me contrôler et à ne m'effondrer qu'à la sortie de l'école. L'année d'avant, c'était un peu plus compliqué, mais j'avais des circonstances atténuantes, on rentrait dans une nouvelle école. On avait plus de copains et on ne connaissait pas la maitresse.

Quand à la première rentrée… C'était il y a trois ans et je commence tout juste à pouvoir en parler. Avant, c'était encore trop frais. Pour vous, aujourd'hui, je veux bien essayer.

On est donc en 2003. A eux deux mes bébés – alors là, à trois ans, je n'en démords pas, ce sont presque des NOUVEAUX-NES – doivent mesurer un mètre et encore. Depuis une semaine j'ai une boule là, au fond du ventre. Ce n'est pas tant l'idée de la séparation, on a déjà franchi avec succès l'épreuve de la crèche. Non, c'est juste que l'école, moi, petite, je n'aimais pas vraiment ça. Et que quelque part, il me semble que ma première année de maternelle, c'était hier. Bon, d'accord, avant-hier.

Le jour J, on entre dans l'enceinte de l'école. La première personne à nous saluer, c'est Nicole, la gardienne. 130 cm de tour de poitrine, bonnet F. Au moins. Je sens que Nicole et moi, on va vivre une grande histoire. Elle regarde mes enfants et c'est une évidence, elle les aime déjà plus que les autres. Elle n'en dira rien, bien sûr, ce ne serait pas sympa pour les autres mamans. Mais bon, on voit bien qu'elle a craqué. Comment lui en vouloir…

Après avoir salué notre chère Nicole, on monte les escaliers. Mes petits serrent très très fort mes mains, à moins que ce ne soit moi qui leur broie les doigts.

Après m'avoir fait jurer de ne pas pleurer et de ne pas m'éterniser dans les lieux, l'homme décide UNILATERALEMENT que c'est lui qui emmènera ma fille dans sa classe. A cause de notre relation soit disant fusionnelle. Quand ils s'éloignent tous les deux, de la voir si minuscule partir vers l'inconnu, c'est simple, c'est comme si on m'arrachait le coeur à mains nues. Un sanglot incontrôlable s'échappe de ma poitrine. Cinq minutes après l'homme ressort, fier comme un pou, la miss n'a pas versé une larme. Je le calme tout de suite en lui rappelant qu'une enfant qui n'extériorise pas sa peine est une enfant qui souffre encore plus.

C'est maintenant à moi de m'acquitter de ma mission, laisser mon fils. La maitresse a l'air gentille. Elle nous fait visiter la classe et nous explique que maintenant, il faut que "la maman parte travailler". Je la regarde d'un air probablement très niais sans comprendre tout de suite que "la maman" c'est moi. Je suis tentée de la soudoyer pour rester la matinée. Je sors un gros billet de ma poche, l'air de rien. Si je sens qu'elle est réceptive, je tente le coup.

Elle n'est pas réceptive.

J'embrasse alors 67 fois les joues de mon bonhomme et je lui annonce qu'il est temps de nous séparer. Mon chérubin ne l'entend pas de cette oreille. Sa lèvre inférieure se met à trembler dangereusement.

Je suis en train d'abandonner mon nourrisson.

Je commence à pleurer.

Rien ne prouve qu'il y ait un lien de cause à effet – et quoi qu'en dise encore aujourd'hui l'homme ON NE LE SAURA JAMAIS – mais à ce moment là mon fils se met à hurler à la mort. "Pas l'école, pas l'école, pas l'écoooooooole". Il s'accroche à moi comme un noyé à une planche de bois. La maitresse et moi ne sommes pas de trop pour détacher un à un ses petits doigts de mes mains. L'homme m'entraîne dans le couloir. Là je crois que je crie aussi "pas l'écooooooooooooole". Mais je n'en suis pas sûre.

Finalement, sans que je comprenne comment, je me retrouve derrière une porte fermée pas assez épaisse pour atténuer les hurlements de la chair de ma chair. "Dans cinq minutes il s'amusera comme un fou, là il sent que tu es juste à côté, tu ne l'aides pas", tente l'homme. "Mais encore heureux qu'il le sent que je suis à côté", parviens-je à articuler. "Et j'espère que la maitresse elle le sent aussi. Parce que moi, pour le coup, je la sens pas, figures toi". L'homme me lance son regard n°12, celui qui veut dire: "là je laisse tomber, ça n'est plus de mon ressort". Et il s'en va.

Pas moi.

Finalement, après de longues minutes rythmées par les pleurs incessants de mon chérubin, je finis par descendre les escaliers. Je sais, les apparences jouent contre moi, mais je suis malgré tout une adulte et une mère responsable.

Bon, d'accord, en fait j'ai peur de la directrice.

Au moment de passer le porche de l'école, Nicole, la gardienne au tour de poitrine le plus grand de la capitale, me prend en pitié. "Ne vous inquiétez pas ma petite. Tous les enfants pleurent le premier jour. Ensuite, ils ne veulent qu'une chose, y retourner. C'est votre première rentrée ?".

La pauvre Nicole ignore qu'elle vient de faire une grosse boulette. Elle a été gentille. Avec une mère en détresse qui tente de réprimer un gros chagrin. Je tombe dans ses bras en sanglotant, articulant à grand peine entre deux reniflements morveux que oui, c'est ma première rentrée, qu'en plus je laisse DEUX enfants, PREMATURES qui plus est. "Allez, allez, ma petite…", me berce Nicole. Là c'est mort, je me lache complètement. Je pleure comme je n'ai pas pleuré depuis des siècles. Et plus je pleure, plus je pense à des choses horribles qui font redoubler mes sanglots. Je dois l'avouer, c'est bon. Les autres mères qui sortent elles aussi avec les yeux rouges me regardent avec envie. Elles voudraient bien un gros calin elles aussi. 

Elles peuvent toujours courir. C'est MA Nicole.

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Voilà, j'ai finalement passé la matinée dans la loge de la gardienne – qui s'appelait vraiment Nicole comme l'esthéticienne du Meurice et comme ma mère, si si… – à me faire consoler, la tête posée sur ses seins gigantesques. Bien sûr, quand vers 11h30 la cloche a sonné, mes deux lutins sont descendus hilares, l'air de rien, comme s'ils avaient fait ça toute leur vie, d'aller à l'école.

Aujourd'hui, donc, on remet ça. Le problème, c'est que là, c'est le CP. Et qu'à la grande école, il n'y a pas Nicole.

La Cachette, un nom bien trouvé

C'est un endroit qui porte bien son nom et qui s'appelle donc "La Cachette". Un petit théâtre. Planqué dans une résidence à laquelle on accède par une porte grillagée depuis la grande et impersonnelle avenue d'Italie dans le 13ème arrondissement de Paris. Déjà, quand on arrive dans la cour, on sent que tout va bien se passer. Parce que la grande et impersonnelle avenue d'Italie on l'a déjà oubliée.

 

La Cachette, donc, c'est un théâtre. Pour enfants. Mais qui est conçu comme un théâtre pour adultes parce qu'il n'y a pas de raison que les petits soient moins bien installés que les grands. Donc la scène est grande, et il y a de vrais gradins. Et bien sûr un beau rideau rouge.

 

A la Cachette, les spectacles qui sont joués sont toujours poétiques. D'une simplicité incroyable, avec en général un(e) seul(e) comédien(ne) et une ou deux marionnettes. Les histoires racontent un enfant qui tombe amoureux d'une sirène, un clown qui se pâme devant une équilibriste ou un anniversaire auquel ne seraient pas invités certains indésirables parce que trop "différents".

 

En ce moment, à La Cachette, on peut voir "Le bel oiseau" qui est une très belle allégorie sur la vie et la mort, sur les rêves qui parfois deviennent réalité.

 

Voilà, La Cachette c'est notre madeleine à nous quatre, l'homme, les enfants et moi, parce que depuis trois ans on ne loupe aucune représentation. A la fin on peut même acheter le livre et la cassette et constater que oui, vraiment, les textes qu'on a entendu sont de la pure poésie.

 

Pour en savoir plus: http://www.la-cachette.com/