Catégorie : Je vous raconte ma vie

I’m free (ou presque)

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Alors voilà, j'arrive au terme d'une semaine hors les murs. Je ne vais pas faire un bilan, ce serait prématuré et je crains d'être à peine moins instable que dans les jours suivant ma démission. A savoir que je trouve cette nouvelle vie merveilleuse puis l'instant d'après je suis rattrapée par cette peur panique d'avoir commis une énorme bourde. Pas de bilan, mais quelques réflexions glanées ça et là, sur ça et d'autres choses…

– Quand on a été soumis à des horaires de bureau pendant quinze ans, c'est extrêmement compliqué de ne pas se culpabiliser à la moindre pause, sous prétexte que d'ordinaire, non, jamais on se serait permis une sieste sur les coups de 15h.

– Etre free-lance, c'est à la fois être free et en même temps jamais vraiment. La sieste à 15h est possible, le bouclage d'un papier sur les coups de 23h, aussi.

– Multiplier les employeurs comme j'ai choisi de le faire pour l'instant, c'est s'exposer à la multiplication des exigences, des délais, des consignes. Il faut être très organisé.

– Je ne suis pas organisée.

– Etre free-lance c'est donner l'illusion à ses employeurs qu'on est organisée.

– Quand on se retrouve d'un coup d'un seul avec toute cette liberté, on se dit qu'on va en profiter pour faire des choses folles, comme aller courir le matin.

– Ou marcher un peu tous les jours.

– Au moins aller chercher le pain.

– Ok, pour acheter ses clopes.

– Je n'ai pas fumé plus que d'ordinaire. Ni mangé. Mais je sens que y'a moyen. Du potentiel.

– Les enfants, qu'ils aient dix ans ou moins n'ont pas le cerveau conçu pour comprendre le concept du "maman est là mais elle travaille".

– Etre free-lance quand on n'a pas de bureau fermé c'est être condamnée à passer des coups de fil professionnels avec un irritant "chuis la carte, chuis la carte, chuis la caaaaaaaaaarte" en musique de fond (que le créateur de l'insupportable Dora crève dans d'atroces souffrances dévoré par chipper le renard).

– Dès septembre je rejoins donc un collectif quelconque de pigistes.

– Si j'ai de quoi payer.

– Quand tu es free-lance, tu n'as qu'une obsession, finir les commandes à temps. Une fois que c'est fait, tu n'as qu'une angoisse: qu'on ne te fasse plus de commandes. Mais entre temps, c'est le pied.

– Marcher dans la rue sur les coups de 11h du matin sans endroit précis où aller, c'est divin.

– Quand tu es free-lance, l'annonce d'une grève de l'école ne provoque pas le même séisme qu'avant. Tu peux aussi prendre un rendez-vous en urgence chez l'ophtalmo pour le machin qui s'est fait exploser ses lunettes dans la cour de l'école. Et aller chez l'opticien dans la foulée. Et inscrire la petite à l'école (trauma) (on y reviendra). Ok, à part toi (et encore) personne en réalité ne saisit que free-lance ce n'est pas qu'une marque de pompes hors de prix.

Voilà, je passe pudiquement sur les 28 épisodes de The good wife boulottés ça et là (d'où quelques instants de panique à des heures indécentes pour finir ce qui aurait pu l'être si Hadopi faisait son boulot et me coffrait définitivement) (en attendant si will et alicia pouvaient niquer une bonne fois pour toutes ça m'arrangerait) (c'est la seule chose qui m'intéresse, les histoires judiciaires ç'est bon) (je SAIS qu'ils finiront pas concrétiser mais ça ne change rien, je suis chaude comme la braise en attendant que ça arrive).

Je passe également sur l'état absolument cataclysmique de l'appartement (le churros avait raison de se marrer, non seulement je ne passe pas le chiffon mais je m'étale et rajoute donc du bordel au bordel).

Je vous laisse, promis je vais prendre un peu de recul avec tout ça, ce blog reprendra assez rapidement une activité normale pendant laquelle j'éviterai de vous exposer mes contingences matérielles et existencielles. Merci encore pour les encouragements, les conseils, les expériences partagées ici. Je sais que le mot est galvaudé par le web 3.0 mais je me sens bien dans notre communauté. J'espère que vous aussi.

Edit: la photo, c'est pris de mon Iphone (mon cadeau à moi que je me suis fait après ma démission), mercredi, après un rendez-vous dans les beaux quartiers. J'ai remonté le jardin des tuileries jusqu'au palais royal, avec Christophe dans les oreilles (j'ai déjà dit à quel point je vénère Christophe ?). Il y avait cette lumière dorée au dessus de la grand-roue et cette presque douceur qui semblait murmurer que le printemps n'allait plus trop tarder. Pour la dix-millionnième fois depuis que j'y vis, je me suis dit que malgré tout ce qui fait que Paris ça craint (à cause de l'argent surtout), c'est une mother fucker de belle ville.

Bon week-end…

Un sourire sur un quai

Friends
Hier j'étais dans le métro. Dans mes écouteurs, une chanson de Daphné, « je suis un alligator et je marche… ». A Pont-Marie, une silhouette familière attire mon attention sur le quai d'en face. Grande et fine, blonde, cheveux bouclés, jean, cuir et bottes de motarde. Je la connais. Le temps de rassembler mes esprits, les portes de ma voiture se ferment. Nos regards se croisent. Ça me revient. C'est A. Elle me reconnaît aussi. On se sourit, exagérément, pour pallier l'absence de son. Je lis sur ses lèvres qu'elle me demande si ça va, j'acquiesce, « et toi ? ». J'envoie un baiser, elle me sourit encore, fort et je lui rends, fort aussi, tellement fort que j'en ai les larmes aux yeux. Le métro repart, nos mains s'agitent et c'est fini.

Je ne la reverrai sans doute jamais.

Dans le tunnel direction Chatelet, cette brève rencontre fait remonter les souvenirs. 2007, C., chère, très chère amie, mais trop de rancoeurs, trop de non-dits, trop de distance, son escapade pendant quatre ans à NY aura eu raison de notre complicité. Jusqu'au clash, un matin de janvier. La rupture, par mail, comme si cette amitié ne méritait pas mieux qu'un adieu sur msn. Les échanges de courriers acides et violents, parce que lorsqu'on s'est tant aimées, on ne peut que se haïr. Suivent les semaines à souffrir parce que je chérissais C. Qu'est-ce qui m'a pris, ces mots je ne les aurais jamais dits, connerie d'internet, prends ton téléphone connasse, bah et puis merde, pourquoi moi, j'ai mes raisons, elle aussi pourrait appeler.

Les mois à ruminer, donc, à ne pas y croire, à cette fin si peu glorieuse après tant de soirées à s'étrangler de rire, après l'avoir faite marraine de mes deux grands dans les trois secondes qui avaient suivi le jet de pipi sur le bâton bleu.

Et le dommage collatéral, A., autre meilleure amie de C. Approche interdite. Dans les divorces, qu'ils soient amicaux ou amoureux, chacun rassemble son armée, il y a des choses qui ne se font pas, on ne pactise pas avec l'autre camp, ce dernier ne nous eut-il rien fait, les ennemis de mes amis sont mes ennemis. Un code de conduite implicite, compris de tous, à sa place j'aurais fait pareil. Zéro rancoeur mais des regrets, on ne se connaissait pas tant que ça, mais il y avait de l'estime. On s'appréciait. Le mot est terne mais c'est celui qui me semble le plus adapté.

Quatre ans, donc, sans nouvelles et sans en attendre et puis ces dix secondes de sourire silencieux. Un sourire pour rien, sans espoir, le mal est fait, rien à sauver. Et en même temps, un sourire pour tout, qui disait que dans une autre vie… on s'appréciait.

Miroir mon beau miroir, suis-je toujours ta ronde ?

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Ça revient souvent, dans les commentaires ou même dans des mails que je reçois. "Pourquoi tu appelles encore ce blog "pensées de ronde" ?"

Je me dis qu'il faut bien que je finisse par y répondre, pas pour clore un débat – ce n'est pas non plus comme s'il était question du départ d'Hosni Moubarak ou de savoir si oui ou non Nicole Kidman a vraiment donné un de ses ovules liftés à sa mère porteuse – mais parce que manifestement, c'est une interrogation récurrente. J'avoue d'ailleurs que ces derniers temps, lorsque je donne le nom de ce blog à des personnes qui ne le connaissent pas (si, incroyable, ça existe), j'essuie souvent des remarques un peu étonnées.

Pourquoi pensées de ronde, donc au départ ? Parce que le jour où je l'ai créé, il était question de ça. Mon premier billet s'appelait "la cabine d'essayage", le deuxième, il me semble, "les nutritionnistes"*. Je pesais plus lourd qu'aujourd'hui et sortais d'un nombre incalculables de régimes en tous genre. J'ai d'abord songé à "la ronde", ou "le blog de la ronde". Et puis j'aimais bien l'idée des pensées (mon côté pascalien). Pensées de ronde, ça me faisait aussi penser à "faire sa ronde", comme un garde fait son tour de surveillance en rêvassant.

Plus tard, j'ai rajouté "Le blog de Caroline", parce que j'étais passée d'un mode narratif à la troisième personne, au "je". Et la ronde, qui était bien sûr un peu moi mais aussi beaucoup un personnage un peu fictif, s'était effacée derrière ma pomme.

Aujourd'hui, plusieurs s'accordent à dire que je n'ai plus rien de rond. Je ne vais pas vous faire le couplet du "je le suis toujours dans ma tête", même s'il y a une part de vérité. En réalité, je SAIS que j'ai maigri, mes habits sont là pour me le prouver, ma balance aussi même si la pauvre est atteinte de delirium tremens et sous-pèse de six kilos (j'ai beau me voiler la face, Rose ne PEUT pas plafonner à 8 kilos).

Je le SAIS et je m'habitue presque à croiser mon reflet sans me demander si c'est bien moi. En revanche, malgré d'ailleurs des propos rassurants du docteur Z lors d'un récent rendez-vous, je ne me sens pas du tout à l'abri d'un retour des kilos, dans un mois, dans un an ou dans dix. Je suis une ancienne ronde comme je l'espère prochainement une ancienne fumeuse. Changer le nom de ce blog, outre le fait que ce serait un gros bordel en terme de référencement et toutes ces choses que je ne maitrise pas, ce serait comme conjurer le sort. Ce serait aussi renier celle que j'étais il y a un peu plus d'un an et celle que je serai peut-être à nouveau un jour.

Ce serait peut-être plus "vendeur", je sais bien que "pensées de ronde", ça n'attire pas forcément les annonceurs. Quoique. Big Beauty notamment a prouvé qu'on pouvait être plus size et bankable.

La seule raison qui pourrait me décider, c'est celle d'avoir l'air de me la jouer ronde alors que je ne le suis pas, je sais combien ce genre d'affectation peut me gonfler. Mais premièrement, bien qu'amincie, je suis loin, très loin d'être filiforme. Deuxièmement, j'ai ma conscience pour moi. Il y a 18 mois, je pesais plus de 80 kilos pour 1,63 m. Ce n'est pas de l'obésité morbide, mais mon IMC s'éclatait pas mal quand même. Aujourd'hui, je ne donnerai pas mon poids, pas parce que j'en ai honte mais justement parce que j'en suis un peu trop contente. Et que j'ai retenu la leçon du docteur Z. Trop s'exposer c'est se mettre dans une position de vulnérabilité.

Bref, j'étais ronde, je le serai peut-être à nouveau un jour et ce blog ne changera pas de nom. Peut-être qu'au prochain lifting, je mettrai plus en avant "Le blog de Caroline" que les pensées d'une ronde dans le graphisme. Mais le rade gardera son adresse. Sinon, comment qu'ils feraient, les habitués, pour le retrouver ?

* ah non, en fait le deuxième billet, c'était ce dialogue entre lui et moi.

Jusqu’ici tout va bien

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Aujourd'hui, donc, une page s'est tournée. Difficile d'en parler, je ne sais plus qui a dit ici que les grands moments n'étaient pas toujours les plus faciles à vivre. Je confirme, j'étais dans un état second, que je comparerais assez facilement à celui dans lequel je m'étais sentie le jour de mon mariage. Frustration de ne pas arriver à parler à tout le monde, impression de ne pas savoir dire à ceux que j'ai tant appréciés à quel point ils me manqueront, tremblements de voix et j'en passe.

Mon boss, celui qui, il y a huit ans de cela, me donna ma chance, m'a fait un discours aux petits oignons. "Zone d'effort, zone de confort". C'était le titre. "Tiens tiens, m'a signalé mon neurone encore disponible, il est donc enfin tombé sur ton blog…"

Une prise de conscience qui a immédiatement déclenché un passage en revue mental des derniers posts. A-t-il lu certains échanges sous la ceinture avec le churros ? Est-il allé jusqu'à celui où j'évoque avec élégance et subtilité l'odeur de mes pieds ?

Rare moment de solitude.

"Je serai bref", a-t-il embrayé. Pour égrener dans la foulée quelques phrases de mon cru à pas piquer des hannetons – gêne – et m'envoyant quelques fleurs me faisant fait rougir en plus de mouiller les yeux.

Puis re-moment de solitude lorsqu'il s'est interrogé devant une assemblée un poil gênée, si la Caroline qu'il connaissait était la même ayant signé récemment un jeu de cartes coquines pour la saint valentin, 24 gages et bons à tirer pour une soirée réussie à deux.

Hum.

Une homonyme, sans doute ?

Quand le discours, alerte et parfaitement interprêté – on est pas un ancien de la radio pour rien – s'est achevé, mon neurone, le con, s'est rappelé à moi, me suggérant avec fermeté qu'il était de bon ton que la personne sur le départ prononce quelques mots à son tour.

"Merci, et heu… merci. Et puis… merci. A tous."

Brillante. J'ai été BRILLANTE.

Je ne doute pas qu'à ce moment là, tous mes collègues si heureux pour moi, confiants dans ma carrière d'écrivain à venir ont légèrement revu leurs ambitions pour moi à la baisse. Je veux dire, écrire un livre avec deux mots de vocabulaire, ça risque d'être ardu. Leur mine contrite était éloquente.

Voilà, j'ai été ultra gâtée, une robe rouge de chez Comptoir des cotonniers, dont je jurerais que ma complice marie-caroline l'a choisie. Que dis-je. C'est une robe "Marie-Caroline", ni plus ni moins. L'intégrale des bouquins d'Harry Potter, là je sens l'influence de ma chère et déjà regrettée Sarah. Outre le fait que cette dernière est tombée dans la saga depuis trois mois, allant jusqu'à refuser de venir déjeuner, je me demande si quelque part, il n'y aurait pas un message caché, du genre "et si tu devenais la JK Rowling française ?" (modestie).

Enfin ça c'était avant mon speech mono-nominal.

Et aussi du champagne, du MUMM Rosé et du Ruinart (désolée Agnès, ils ne connaissent pas le Corbon) et d'adorables mini calissons achetés chez "La mère de famille", pays de cocagne s'il en est.

Voilà, depuis je repasse ce petit film dans ma tête, me détestant de n'avoir pas su vaincre l'angoisse. En plus j'avais toutes ces phrases, sur les remords, les regrets, les rêves à vivre plutôt que la vie à rêver. J'aurais fait un tabac, c'est certain.

Remarque, "merci", au moins c'est poli.

Et puis j'ai bien sûr là tout de suite maintenant un sentiment un peu terrifiant. Et si je m'étais trompée ? Et si je n'y arrivais pas ? Et si mon équilibre c'était celui-là ? Et si ce 3 février avait été mon chant du cygne ?

Demain sera un autre jour, le premier du reste de ma vie. Demain, m'a écrit une amie, une petite Zélie, que je ne connais pas, aura un an et elle même fêtera son 38e anniversaire (happy birthday Cécile). Demain, des Egyptiens mourront peut-être dans la rue au nom de la liberté. Demain, à 10h45, il faudra ondoyer pour le chéri de Mammouth, qui laisse de si beaux commentaires, souvent. Demain, mon amie Mimi dira au revoir à ses enfants et son chéri avant d'aller livrer un combat bien plus difficile que le mien. Demain, vous, moi et d'autres, nous mettrons un pied devant l'autre, parce que c'est depuis toujours la meilleure façon de marcher. Et on recommencera. Gauche. Droite. Gauche. Droite.

"Dans la troupe, y'a pas d'jambe de bois. y'a des nouilles, mais ça n'se voit pas…"

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Attention, vous entrez en zone d’effort

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Un grand merci pour vos commentaires d'hier, j'avoue, j'avais peur de tomber à côté, de ne pas avoir su exprimer ce que j'avais ressenti. Confidence pour confidence, je ne suis, personnellement, pas vraiment satisfaite de ce texte, mais vos émotions me l'ont fait aimer.

Une fois n'est pas coutûme, j'écris ce billet juste avant de partir au boulot, à l'arrache, donc, parce qu'hier était une de ces journées où il aurait fallu rajouter quelques heures. Vous dire que je compte les jours est un euphémisme, mener de front ancien job et nouvelles missions tient du défi impossible. Or je ne suis pas femme à défis.

Il n'empêche que je pensais, hier soir, à ce que nous avait expliqué le formateur de super managers lors d'une session cet automne (j'étais, il parait, donc, manager et le suis d'ailleurs encore jusqu'à jeudi).

Outre le fait que les petits tests de personnalité qu'il nous avait fait passer avaient révélé que j'étais de la catégorie des empathiques/bordéliques/intuitifs/extravertis ("Nnnon… non mais je… je vous assure Caroline, on PEUT être un bon manager avec un profil comme… comme le vôtre", avait bredouillé le formateur, la chique coupée par la bourde monumentale commise par mes responsables en me bombardant chef adjointe de truc et de machin), outre, je reprends, donc, le fait qu'il était apparu comme assez évident que j'étais l'exemple même de l'erreur de casting pour tout ce qui est autorité naturelle, j'ai retenu quelque chose d'essentiel lors de cette formation.

Alors que très franchement, je n'y croyais pas une seconde, étant très réfractaire à toutes ces choses qui peuvent s'apparenter à du coaching.

J'y ai appris, disais-je (on aime la digression ce matin, on étant un con comme chacun sait), que nous naviguions tous, professionnellement et personnellement parlant, entre notre "zone de confort" et notre "zone d'effort". S'il est utopique d'imaginer pouvoir éviter la zone d'effort – la vie n'est pas un chemin pavé de roses – (ou alors qui piquent), il est également insensé de concevoir de pouvoir se maintenir en zone d'effort chaque jour que Dieu – le traitre – fait.

Zone de confort, zone d'effort, chacun la sienne. Pour moi, professionnellement, l'effort consiste à ranger mon bureau, donner des ordres, accepter de n'être pas aimée parce que chef, faire les plannings des congés, être impartiale. Pour d'autres, l'effort résidera dans l'animation d'une réunion, l'entretien en face à face avec un collaborateur en difficulté, la délégation, etc. A chacun sa merde, en somme.

Toujours est-il que ce matin là, il y a comme un signal qui s'est allumé dans ma tête. J'étais, à 90% de mon temps cantonnée dans une zone d'effort. Ma zone de confort, à savoir l'écriture sur ce blog, les interviews, les rencontres, la rédaction de mes dépêches, devenait portion congrue, bouffée par ces autres tâches qui au fil des mois s'étaient rajoutées.

Le lien avec les séances zermatiennes m'est apparu par ailleurs évident. Je crois que le formateur – que je ne remercierai jamais assez, même si je ne suis pas convaincue que son objectif initial était de me faire démissionner – et le docteur Z sont sur la même longueur d'ondes. La restriction, la contrainte, ça ne marche qu'un temps. A trop se forcer à être ce qu'on attend de vous plutôt que d'accepter ce qu'on est, intrinsèquement, on se perd, on se noie et au final on se laisse déborder par ce qu'on voulait justement combattre.

Je crois que c'est la leçon la plus enrichissante qu'il m'ait été donné d'apprendre. C'est rare ce sentiment d'avancer, grâce à un ou des tiers. J'ai eu la chance en 2010 de rencontrer ces deux personnes, qui, sans jamais me "conseiller" ou me "coacher", m'ont fait prendre conscience d'une évidence: j'avais négligé, par idéologie judéo-chrétienne, probablement, ma zone de confort.

Je ne sais pas si j'ai été très claire, la "zone de confort" ne signifie pas "ne rien foutre". C'est ce qui définit le cadre dans lequel vous vous sentez au maximum de vos capacités en éprouvant cette émotion tellement mais tellement sacrifiée par le monde du travail alors qu'elle est fondamentale: le plaisir.

Psychologies magazine, le maquillage et les pourquoi pas

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Lorsqu'on m'a proposé ce sujet, "Pourquoi se maquille-t-on ?", j'ai dans un premier temps cru à une blague. Comment moi, la cancre absolue en beauté, pourrais-je répondre à cette question, qui plus est intelligemment ? Sur quatre pages.

Angoissage.

Et puis je me suis rappelé que le journalisme ne consistait pas à écrire uniquement sur ce qu'on connait. Voire même que parfois, être très proche de son sujet c'est un peu parasitant.

Dans ce cas précis en tous cas, autant vous avouer que je partais vierge comme Marie. Et comme souvent lorsqu'on ne s'y attend pas, je suis allée de rencontres en rencontres. Une ancienne top model de chez Chanel reconvertie en psychanalyste, une maquilleuse indépendante parlant de ses illustres clients avec une tendresse émouvante ou encore une femme de 78 ans qui tous les jours sacrifie au même rituel beauté et qui continue depuis la mort de son mari, pour elle, parce qu'elle n'est pas elle sans son rouge aux lèvres.

Surtout, j'ai parlé avec cette esthéticienne qui travaille exclusivement auprès des femmes malades de cancer pour essayer de leur redonner un peu d'amour d'elles-mêmes. Je ne l'ai pas vue, nous avons juste échangé au téléphone. Un instant dont la brièveté ne m'a pas empêchée d'être extrèmement touchée. Elle s'excusait de ne pas trouver les mots pour m'expliquer à quel point ce qu'elle accomplissait allait pour elle bien au delà de l'esthétique. Pourtant, ses hésitations et ses silences traduisaient à elles-seules son immense respect pour ses patientes et la dimension spirituelle de ce maquillage réparateur. "Le geste compte plus que le résultat", m'a-t-elle confié dans un souffle.

En raccrochant, j'ai pensé que j'avais touché du doigt ce que pouvait être la bonté.

Et aujourd'hui, lorsque j'ai ouvert mon Psychologies Magazine (février) et que j'y ai vu mon article, je me suis souvenu de cette phrase d'une chanson de Vanessa Paradis, vue lundi soir en concert:

"Parfois on regarde les choses telles qu'elles sont en se demandant pourquoi. Parfois on les regarde telles qu'elles pourraient être en se disant pourquoi pas".

Tous les matins en ce moment, je réalise que j'ai entrouvert la porte de ce pourquoi pas. Et cette pensée fugace, qui n'exclut pas quelques suées dans la journée, me remplit d'un immense bonheur.

Edit: Les taches sur le papier sont les empreintes laissées par les miettes de mon croissant ce matin. On ne se refait pas.

Edit2: Pour celles qui voudraient le lire, j'imagine que l'article sera prochainement en ligne sur le site mais je ne l'ai pas trouvé pour l'instant.

Dernière ligne droite (mais pentue)

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Un grand merci pour tous ces compliments hier sur ma nouvelle tête. Je reviendrai vous parler de ma frange après un rodage de quelques jours, parce que je sens que c'est un sujet qui mérite qu'on s'y penche à fond.

Pas grand chose à part ça, si ce n'est que pour fêter ma prochaine quille, les enfants ont décidé de m'offrir une sorte de jubilé en tombant malade à tour de rôle depuis vendredi. Certes, on pourrait se dire que les jours enfants malades, là, ça ne va pas poser de problème.

Sauf qu'on se rappellera que j'avais opté pour la stratégie du "ne partons pas fâchés".

Bref, je prends ça comme une tentative, certes naïve et maladroite mais néanmoins partant d'un bon sentiment, de mes enfants de me convaincre définitivement que j'ai pris la bonne décision. C'est vrai que dans mon tableau des moins et des plus avant de me jeter à l'eau, il y avait "ne plus à s'étriper le matin à 8h12 avec le churros quand le thermomètre monte au dessus de 38,5 et qu'aucun de nous deux ne peut rester jouer les garde-malade".

Ceci étant dit, pour avoir joué les infirmières avec le machin hier, je ne suis pas si sûre d'avoir très envie que ça se reproduise trop souvent. C'est que ça commence assez tôt le syndrôme masculin du "j'ai le nez bouché, mal à la gorge et je vais donc MOURIR, en plus que ça fait MAL".

Voilà, fin de ce non billet, écrit à l'arrache avec Rose hilare des bulles de compétition qu'elle fait avec son nez au moindre éternuement. Ah ouais quand même.

Edit: photo prise à Montsouris, notre petit Central Park à nous. Elle n'a en effet rien à voir avec la choucroute, mais je l'aime bien, c'était un joli moment, agrémenté de crèpes au nutella, de chocolat chaud valrhona et de cidre fermier pour moi.

Edit2: L'artiste à l'origine de ma frange s'appelle Michel et la coloriste, Karine. J'ai un peu hésité avant de vous donner les coordonnées exactes parce que bon, c'est le genre de bon plan qu'on aurait presqu'envie de se garder pour soi. Mais vous n'avez été que bonté hier, je ne serai donc aujourd'hui que générosité. Le salon de coiffure est au 49 rue Pigalle et le site internet est par ici…

J'ajoute que le balayage, deux fois moins cher que chez coiffirst ou dessange est vraiment très très réussi.

 

Blogueuse need despérément de la vitamine C

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Je serai brève (en général, quand un orateur commence comme ça, je décède d'angoisse, c'est à tous les coups le signe qu'il va s'éterniser). Donc je serai brève, disais-je.

Jusqu'au 4 février, je suis en préavis. C'est une période étrange, pendant laquelle on croit que les journées vont se dérouler dans la plus grande zénitude étant donnée l'absence totale d'enjeu. Après tout, on est déjà presque parti.

Sauf qu'en réalité, venir à son bureau et peigner la girafe des heures durant, c'est absolument terrifiant d'ennui. Sans compter que pour les collègues, c'est moyennement sympa. En même temps, difficile de s'investir alors que dans votre tête – et dans celle des autres – vous n'en êtes plus. Pour l'ego c'est compliqué d'entrevoir la vie sans vous telle qu'elle prendra forme une fois votre bureau débarrassé de votre innomable bordel. Pour le moral, c'est un peu lourd aussi de réaliser qu'en effet, la terre continuera de tourner. Même si de regrets il n'y a pas. La page se tourne et laisser derrière soi huit ans de sa vie et tous les amis qui vont avec ne peut se faire sans un pincement au coeur.

Parrallèlement, de peur de me retrouver le 6 février assise en pleurs sur mon canapé sans autre perspective que de m'enfiler des séries sur mon ordinateur, je mets en route des collaborations. Bien évidemment, je ne dis non à rien pour l'instant. La règle d'or des pigistes étant de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.

On ajoute à ça les enfants (pendant que je tape ce billet, rose me tire les cheveux et escalade mon fauteuil en hurlant qu'elle veut que je remplisse sa mini théière grosse comme un dé à coudre. Je l'ai envoyée à son frère qui ne veut pas lâcher son manga. Non, sa soeur non plus ne souhaite pas coopérer. Il faut dire que c'est la 20ème fois qu'on remplit sa p. de théière. sdfgsdfhndgh,ndxgh,ngdx. Nan, ce n'est pas un bug de mon ordi, c'est helmut qui vient de s'asseoir sur mon clavier. Hiiiiii. C'est rien, je me ferai greffer une cornée demain).

En résumé je suis à deux doigts de l'explosion, et hélas, pas de foufoune.

Qu'on ne s'y trompe pas, ces mots n'ont pas pour objet de susciter la pitié ou la compassion. Je me doute que vous avez chacun et chacune de quoi faire de votre côté. Je n'ai pas le monopole de la débordatitude. Non, c'était juste pour pousser mon grand cri et espérer qu'il résonne dans les méandres de l'internet. Aussi pour m'excuser à l'avance de ne pas être forcément à la hauteur de vos attentes dans les jours à venir. Ce blog reste une priorité, peut-être plus que jamais. Mais je ne sais pas mentir ni jouer la comédie et là tout de suite maintenant, je suis totalement incapable de vous donner plus que ça.

J'ajoute que mon métier, d'hier et d'aujourd'hui mais aussi de demain, consiste à écrire. Mais il s'agit d'une écriture qu'on pourrait qualifier d'encadrée. Les articles sont en général des commandes, qui doivent respecter un calibrage, un angle défini à l'avance et ont pour objectif de correspondre à la ligne éditoriale du journal. Les livres aussi, sont visés et validés par les éditeurs. Ce blog est le seul espace sur lequel je peux faire ce que je veux. Sans en référer à qui que ce soit. Si je ne souhaite pas qu'il devienne ma source de revenu principale (outre le fait que c'est tout de même compliqué en pleine crise de la pub) c'est justement parce que je ne veux pas me contraindre à donner ce qu'on attend de moi, à plaire au plus grand nombre. Tout ça pour dire que je me souviens, dans mon billet de démission, l'une d'entre vous a lancé sur le ton de la plaisanterie (mais quand même) "tu veux dire que maintenant c'est nous tes patrons ?". Je n'avais pas répondu, mais je le fais maintenant:

Non.

Je sais ce que je vous dois, sans lecteurs un blog périclite. Je ne veux donc pas tenir ce discours consistant à vous envoyer voir là bas si j'y suis lorsque vous émettez une critique. Mais je veux pouvoir prendre le risque de décevoir ou de déplaire. Sans avoir peur de perdre un employeur. Des employeurs, je vais en avoir plusieurs et j'aurai sûrement la trouille à un moment ou à un autre de perdre leurs faveurs. Vous, je ne veux surtout pas vous voir comme ça. Sinon, écrire ici deviendra une contrainte. Par conséquent, je continuerai à regimber en grognant comme un ours mal léché quand on viendra essuyer ses pieds crotteux sur mon paillasson sans que ce soit justifié.

Il n'empêche que je vous kiffe, à part ça.

Edit: Je présente par ailleurs toutes mes excuses à celles qui m'ont envoyé de merveilleux mails ces derniers jours restés lettres mortes pour l'instant. Je promets de répondre dès que je sors de l'oeil du cyclone.

Edit: Ma théorie se confirme. Ne jamais commencer un discours ou quelque autre speech par cette damnée phrase: "je serai brève". Echec assuré.

Happy Birthday Zaz & Maud

Zazannif
Je connais Zaz depuis 15 ans et elle est mon amie de tous les jours, ma Bree à moi (je me suis auto-déclarée Lynette). J'ai la chance de vivre à moins de trois minutes à pied d'une de mes âmes soeurs et j'en remercie le ciel tous les jours. Ceux qui me suivent savent qu'on s'accompagne quotidennement et j'ose espérer qu'elle sait à quel point je l'aime.

  Maud

Je connais Maud depuis… aïe. Hum. Ça ne se dit pas. Ok, 23 ans. On se voit trop rarement, mais on a toujours fonctionné de la sorte, elle a une vie de femme Barbara Gould et moi aussi, enfin jusqu'au 4 février. Après ça va être la fête du string, je vous le dis. En plus quand on se voit après deux ans de black out, elle m'emmène dans un traquenard. Ceci étant dit, je lui pardonne parce qu'elle est surtout du genre à ouvrir grand les portes de son paradis. Et aussi parce qu'elle incarne depuis toujours pour moi la féminité libérée. Je crois qu'elle sait aussi combien je l'aime et l'admire.

Zaz et Maud. L'une a la couleur de cheveux rêvée, un doré flamboyant impossible à obtenir par quelque moyen que ce soit. L'autre a les yeux les plus verts de la création, que c'en est indécent. Elles sont belles, elles sont mes amies et il m'aura fallu 15 ans pour réaliser qu'elles sont nées le même jour. A deux ans d'intervalle, soit, mais tout de même.

Oui, en effet, je suis du genre à merder grave dans les fêtages d'anniversaire.

Mais cette année, on change tout et vlam, je deviens la fille parfaite qui n'oublie pas.

Merveilleux anniversaire, dear dear friends…

 

Seule maître à bord…

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Ce billet a été écrit des dizaines de fois. Dans ma tête. Ça me donnait du courage, je pensais, quand tu l'auras fait, parce qu'un jour tu le feras, tu auras la joie de l'annoncer, tu seras fière de toi.

Et puis maintenant que le pas est franchi, je ne sais pas par où commencer. Comme dirait Despé, c'est un texte qui pourrait n'avoir ni majuscule ni point final tant je viens, volontairement, de me propulser dans l'incertain.

Je ne sais donc par où commencer et je n'ai aucune idée de là où cela finira. Et étrangement, alors que j'ai eu peur – très très peur – avant, là je suis plutôt calme. Presque sereine (quand je ne suis pas complètement flippée, fumant clope sur clope et appelant tout ce que la terre compte d'amis pour leur demander si je n'ai pas eu tort).

Ce que j'ai fait ?

Mardi matin sur les coups de 11h, j'ai pris une grande inspiration. Je me suis avancée vers le bureau de mon rédacteur en chef et j'ai ouvert la porte. Je l'ai refermée derrière moi. Je l'ai regardé dans les yeux, j'ai essayé sans succès de calmer le tremblement de ma voix en regrettant intérieurement de n'avoir pas avalé au préalable un petit bêta bloquant (j'aimerais vous dire que j'étais "clean" volontairement, pour avoir la totale maîtrise de mon esprit, la vérité c'est que j'avais oublié le médoc à la maison). Je l'ai regardé, donc et la gorge étranglée, j'ai prononcé ces mots qui restaient bloqués dans ma bouche depuis maintenant deux ans.

"Je démissionne".

Pour certains d'entre vous, ce n'est peut-être pas grand chose, pour moi c'est l'équivalent d'un saut à l'élastique. Sans élastique. Ni filet.

Depuis que j'ai fini mes études, j'ai été la parfaite employée modèle, ne quittant un boulot que pour un autre CDI bien sécure. Je n'ai jamais vraiment eu à chercher du travail. Je n'ai pas énormément de mérite si ce n'est d'avoir su saisir les occasions qui se présentaient au moment où il fallait le faire. La contrepartie, c'est que sur les trois postes que j'ai occupés, seul le dernier m'a apporté une réelle satisfaction.

Pendant ces huit dernières années, j'ai appris le métier de journaliste, dans une agence de presse. J'ai fini par hériter d'un titre un peu ronflant, "rédactrice en chef adjointe", spécialisée dans les questions d'enseignement supérieur. Autant dire que j'étais sur les rails de la prospérité, quoi.

Seulement voilà, il y a cinq ans, j'ai créé ce blog, aspirant à écrire sur autre chose que l'autonomie des universités ou le programme erasmus. Non que ça ne m'intéresse pas, seulement j'avais en moi tous ces mots qui ne pouvaient pas vraiment cotoyer ceux de mes dépêches (Valérie Pécresse et mère nature la truie, il y avait comme un hyatus). J'ai créé ce blog, donc, pensant qu'au mieux dix personnes viendraient le lire. Sauf que les dix sont vite devenues cent, puis mille, puis… Puis beaucoup aujourd'hui. Parrallèlement, il y a eu les bouquins pour Hachette, écrits à l'arrache, le week-end ou le soir. Il y a eu aussi ce grand projet, qui a failli aboutir et qui a finalement connu quelques embuches, mais qui ne demande qu'à renaître de ses cendres encore chaudes. Il y a cette envie d'écrire de la fiction. Il y a des collaborations avec des journaux qui correspondent aujourd'hui bien mieux à mes aspirations et que je n'ai pas pu mettre en oeuvre parce qu'autant le reste ne me semblait pas contrevenir à mes engagements professionnels, autant écrire pour un autre support de presse ne me parraissait pas être très loyal.

Il y a deux ans, quand il a fallu revenir de congé maternité, j'ai eu l'impression qu'on m'amputait littéralement de mon bébé. J'ai failli appeler au boulot et leur dire que non, je ne pouvais pas, pardon, désolée, laissez moi partir. Le churros m'en a dissuadée, pensant, à juste titre, que ce n'était pas une bonne raison, que ça s'appelait de la fuite, qu'il fallait y retourner au moins un jour pour en être sûre. Alors j'ai fait taire cette voix qui me hurlait de rester avec Rose et j'ai mis entre parenthèse mes rêves d'indépendance. Mois après mois, j'ai repris du plaisir au boulot, mais ce n'était plus "ça".

La petite voix s'est fait entendre à nouveau, plus insistante, moins affective, plus sûre d'elle. Il n'était plus question de rester avec mon bébé, il n'était plus question de fuite. Elle me suggérait plutôt qu'il y avait d'autres horizons, que c'était risqué, certes, mais qu'il y avait peut-être une possibilité pour moi de vivre autrement, que si je ne tentais pas le coup, je le regretterais toujours, que si je ne me mettais pas à écrire ce livre qui sommeille en moi, j'aurais l'illusion pour toujours d'être un écrivain contrarié, alors que si ça se trouve j'en suis tout bonnement incapable, mais autant le savoir.

Au départ, c'était une sorte de rêve agréable, de pensée rassurante dans les moments compliqués avec certains de mes supérieurs. "Je m'en fous, un jour je vais partir, de toutes façons, vas-y, parle moi mal, tu le regretteras quand j'aurai mon goncourt, tu auras l'air super con quand je passerai chez Taddei". Je passe sur tous ces moments où j'ai vécu virtuellement mon pot de départ, avec mes chefs sanglotant après mon discours poignant (alors que je sais à peine ânonner trois mots devant une assemblée). Mais la pensée agréable est devenue ces derniers mois plus qu'obsédante. Pas une soirée entre amis sans évoquer le sujet, "est-ce que je me lance, tu crois, non, je ne pourrai jamais, la précarité, trois enfants, tout ça, mon niveau de vie, j'aime mon confort, mais je m'emmerde, tu as raison, il faut que je le fasse, mais pas tout de suite, le mois prochain, j'attends un peu, d'être vraiment sûre". Tous les soirs ou presque avec le churros, c'était aussi sur la table. Jusqu'à l'overdose, la nausée, le sentiment d'être perdue, entre deux gués, incapable de choisir, de décider.

Ce qui a fait pencher la balance mardi ?

Je ne saurais l'expliquer. Je me souviens qu'un jour, j'avais demandé conseil à AnneSo, qui venait de quitter son boulot pour se mettre en free lance. Elle m'avait répondu: "tu le feras quand tu sentiras qu'il n'y a pas d'autre issue, que c'est plus fort que toi".

Je crois que c'est ce qui s'est passé mardi. C'était plus fort que moi, plus fort que la peur des lendemains qui déchantent, plus fort que le principe de réalité, que ma phobie du chômage. Mardi, je me suis dit, si tu ne le fais pas aujourd'hui, tu ne le feras jamais. Tu n'aurais jamais plus de bonnes raisons pour prendre cette décision que tu n'en as ce matin. Et les raisons de ne pas le faire ne seront jamais moins nombreuses.

Aujourd'hui ou jamais.

Et ce "jamais" a sonné comme une condamnation à perpétuité. Alors je me suis levée, j'ai franchi la porte de ce bureau et j'ai prononcé ces mots.

Depuis, je suis pétrie de sentiments contradictoires, mais celui qui domine reste l'immense soulagement d'avoir pris une décision. Bonne, mauvaise, seul l'avenir me le dira. Certains voyants sont au vert et je ne veux prendre en considération que ceux-là. Maintenant que j'ai sauté, je n'ai pas d'autre choix que de croire que c'était la meilleure chose à faire…

Edit: Qu'on ne se méprenne pas, je n'ai pas démissionné pour vivre de mon blog. Je souhaite plus que tout pouvoir m'y consacrer plus qu'avant mais je ne veux pas qu'il devienne ma source de revenus principale. Il y aura, comme ce fut le cas ces derniers mois, des billets sponsorisés, mais pas plus qu'avant, tout au moins je l'espère. J'ai mis en route des collaborations dont je vous reparle très vite (une seule chose à la fois) et je vais partir en chasse de nouvelles.

Edit2: Je sais que ce genre de décision ne peut pas remporter l'adhésion de tous, qu'elle comporte son lot d'irrationnel et de déraisonnable. Mais je vous serais super reconnaissante de ne pas me l'asséner trop brutalement, je fais ma bravache mais je suis très très très perméable aux avis contraires. Or aujourd'hui, il est trop tard pour reculer !

Edit3: J'ai été longue et pas drôle, j'avais hésité entre ça et un minute par minute. Peut-être bien que je l'écrirai aussi, d'ailleurs. Mais il fallait que je couche tout ceci sur mon écran, pour le réaliser et le partager avec vous, dont le soutien m'a permis de mettre en oeuvre cette fucking résolution. Oser, quoi !