Catégorie : Envie de livres ?

Avis de tempête de Susan Fletcher

DSC_0139.jpg_effected
Moïra, vingt-huit ans, est au chevet de sa jeune sœur, Amy, qu'une chute a plongée dans le coma depuis cinq ans. Perclue de remords, Moïra parle à sa cadette. Elle s'excuse de n'avoir pas été la sœur rêvée. Il faut dire que Moïra, c'est une écorchée vive qui ne peut, n'a jamais pu et ignore comment s'abandonner à l'amour des autres, de ses parents, de sa sœur, et même de son mari. Au travers de cette confession, Moïra cherche à la fois à se faire pardonner, et à assumer enfin son statut de femme, en paix avec elle-même. 

Moïra est l'héroine d'un roman de Susan Fletcher, "Avis de tempête", que m'avait donc donné ma dealeuse de bouquins avant mon départ à Maurice. J'ai adoré ce livre, qui m'a rappelé un peu "Les Déferlantes" de Claudie Gallay dans ses descriptions de la nature et de la mer. C'est un merveileux texte sur l'enfance, une réflexion sur la difficulté à aimer une intruse, une soeur pas désirée. Une allégorie sur la féminité, l'apprentissage de la séduction. Un vrai bijou qui donne envie de prendre le large, d'aller marcher sur les côtes anglaises, humer l'odeur des goemons et sentir le vent fouetter notre visage.

Je vous le conseille, vraiment.

Voilà, à part ça aujourd'hui et durant les quatre jours qui viennent, j'ai la chance de participer à l'atelier d'écriture organisé par la Fondation Bouygues Télécom au salon du livre. Je vous en avais parlé pour vous inviter à postuler si cela vous intéressait. Les organisateurs m'ont proposé de faire partie des "élèves" et de relayer ici la façon dont cela se déroule. J'ai immédiatement accepté, vous pensez. Ceci étant dit, j'ai un peu peur, me confronter à l'écriture des autres, sous les auspices d'un écrivain confirmé, ça m'impressionne. Mais franchement, je ne boude pas mon plaisir, c'est aussi pour être en mesure d'accepter ce genre de plans que je suis partie de mon boulot il y a de ça un an. Et ce joli projet, je le dois un peu à Will, alors merci, will… Je vous raconte ça très vite.

Edit: Toutes les personnes ayant participé hier au concours et s'étant donc inscrites au site bénéficient jusqu'à demain d'une remise de 20% sur leur commande, me font savoir les filles de Boxomodo. (je ne touche absolument rien là dessus, notez le, hein, je vous le dis au cas où).

L’armoire des robes oubliées, de Riikka Pulkkinen

DSC_0239.jpg_effected-001

En vacances je lis. Mais beaucoup. A tel point que parfois je me demande si j'ai vraiment besoin de partir aussi loin pour finalement fusionner avec un transat, une pile de bouquins à mes côté. La réponse est oui, je crois que mes livres auraient tout de même moins de saveur si je les avalais dans mon canapé. Il n'empêche qu'en une semaine j'en ai donc éclusé cinq, dont trois gracieusement donnés par ma dealeuse de bouquins.

Celui dont il sera question aujourd'hui n'en fait pas partie, je l'ai payé de mes deniers après avoir lu plusieurs bonnes critiques à son sujet. Je n'ai pas regretté. Il est écrit par une Finlandaise et c'est fou parce que je trouve que cette écriture des pays du Nord a une vraie singularité. Je ne saurais vraiment l'exprimer, mais il y a une façon de décrire les tourments intimes, de parler des corps, de l'amour mais aussi de la nature qui est très particulière, crue sans être brutale, avec une sensualité un peu abrupte. Une économie de mots aussi, des phrases souvent assez courtes, qui rendent la lecture très fluide.

C'était mon quart d'heure masque et la plume, en vous remerciant.

"L'armoire des vieilles robes oubliées", puisque c'est de ce livre qu'il s'agit, avait tous les ingrédients pour me séduire: une histoire de femmes, de grand-mère, de mère, de filles et d'amantes, une réflexion sur le couple, la fidélité, la famille que l'on se construit mais aussi celle qu'on choisit sciemment ou non de mettre en danger. Une réflexion enfin sur la vieillesse, le renoncement et les adieux.

Elsa, pédiatre de renom, est en train de mourir d'un cancer. Alors qu'elle lui rend visite, Anna, l'une de ses deux petites filles, découvre une robe dans l'armoire de sa grand-mère, dont elle ne se souvient pas qu'elle l'ait jamais portée. Elsa lui confie que la robe a en effet appartenu à une autre, qui fut, durant un temps, la maitresse de Martti, l'amour de sa vie. Un secret enfoui qu'Anna n'aura de cesse d'essayer de comprendre, au point de partir à la recherche de la mystérieuse propriétaire de cette robe que son grand-père chéri aima donc alors qu'elle n'était pas encore née.

C'est mélo mais pas tant que ça, grâce à une écriture puissante et sans fioriture. Et puis l'auteur aime profondément ses personnages, avec leurs faiblesses et leurs failles. Elle les aime tant qu'on rêve de tenir la main de la flamboyante Elsa, d'aider Anna à se relever de sa propre rupture, de consoler Martti de cette perte qui s'annonce et de retrouver nous aussi l'enigmatique Eeva, celle qui un jour dit à Marrti: "Ne me demande jamais d'aimer raisonnablement, tu pourrais tout aussi bien me demander de me changer en pierre".

Un vrai coup de coeur pour un livre qui reste en mémoire et qui interroge longtemps après qu'on l'ait refermé.

Edit: L'ouvrage s'ouvre sur une très belle citation de Karen Blixen: "On peut supporter tous les chagrins s'ils font partie d'une histoire ou si l'on en écrit une à leur sujet". A méditer…

Littérature jeunesse : les conseils de Marje, #2

Loulit
Avec un peu de retard, voici donc la deuxième partie de la chronique de Marje. Cette fois-ci elle nous livre ses précieux conseils pour les ados. Avant de lui laisser la parole, petit apparté. On me demande souvent comment faire pour que les enfants lisent, eu égard à la quantité astronomique de bouquins que s’envoient mes grands. Honnêtement, je ne sais pas vraiment. Je voudrais bien vous dire qu’il y a une recette, mais fille aînée d’une fratrie de quatre, je me souviens que ma soeur et moi étions de véritables boulimiques de livres quand mes frères préféraient les jeux en plein air ou les consoles (préhistoriques) d’alors. Tout juste s’ils daignaient ouvrir des Asterix. L’un de mes frères est aujourd’hui un lecteur plutôt très pointu, l’autre est toujours moyennement porté sur la chose. Pourtant, nous avons reçu il me semble la même éducation. Et nous avions la même mère prof de français, connaissant je pense la carte de France des bibliothèques sur le bout des doigts. En lire plus »

Une super triste histoire d’amour

DSC_0331.jpg_effected

Coucou, c'est le Churros qui vous écrit. Je me suis dit que ma blogueuse de femme avait bien le droit à un jour de billet free en vacances. Alors, exceptionnellement, je la remplace (ne vous inquiétez pas, vous la retrouverez lundi) pour vous parler d'un bouquin.

Et pas n'importe lequel puisqu'il m'a été offert par ma douce et tendre (vous voyez, elle est pas loin) pour notre… si pitoyable Saint-Valentin. J'ai donc trouvé assez logique (désolé, je suis un mec) de lire cet ouvrage durant notre-voyage-de-noce-avec-cinq-ans-de-retard-où-on-a-failli-pas-partir-parce-que-madame-s'est-gouré-dans-l'orthographe-du-nom-de-son-époux-et-accessoirement-père-de-ses-TROIS-enfants-mais-comme-c'est-un-chic-type-il-lui-en-veux-pas-du-tout-du-tout. Il s'appelle "Super triste histoire d'amour". Il a été écrit par Gary Shteyngart. Je n'avais rien lu de cet auteur auparavant (faut dire que je lis pas des masses).

Toujours est-il que je me suis retrouvé à fond dans le personnage du roman. Comme lui, j'ai 39 ans (+ bientôt 3 ans pour moi). Comme lui, j'ai des origines juives (bon, ok, c'était les parents de ma grand-mère… paternelle qui, un pressentiment ? – se sont convertis au catholicisme – et leur fille avec – en 1938). Comme lui, ma mère n'a toujours pas compris en quoi consiste réellement mon travail (elle me croit assureur alors que j'écris dans un canard sur l'assurance). En revanche, je ne suis pas obnubilé par la mort (mais rassurez-vous, j'ai plein d'autres TOC et autres phobies) comme le héros, Lenny Abramov.

Il est vrai qu'à l'époque où il vit (le futur, mais on ne sait pas en quelle année), à 39 ans, on est considéré au mieux comme un fossile. D'ailleurs, on arrête pas de lui dire à ce pauvre Lenny, à la calvitie plus que naissante (je tiens à souligner que MOI, je ne perds pas mes cheveux) et aux poignées d'amour (no comment), qu'il est vieux : son patron, ses collègues, ses amis et même ses parents immigrés russes (non, les miens sont originaires de Tarbes). Difficile dans ces conditions de ne pas se sentir avec un pied dans la tombe.

Mais, c'est surtout sa copine, Eunice, la vingtaine à tout casser et dont il est follement amoureux, qui lui fait sans cesse remarquer à quel point il est un croulant. Alors qu'en définitive, c'est tout son monde (et le futur tel que nous commençons à l'entrevoir), avec une Amérique percluse de dettes à la solde d'une Chine toute puissante, un dollar indexé sur le yuan, le repli sur soi généralisé, la montée des fanatismes, les données personnelles rendues publiques, la dépendance aux outils de pseudo communication, qui est en train de s'écrouler.

Bref, vous l'aurez compris, plus que du banal sentiment de déclin d'un presque quadra mâle blanc, le roman traite du déclin de l'empire américain, voire de la société occidentale dans son ensemble. Il y a des trouvailles dans ce bouquin. Comme ces poteaux de crédit dans la rue qui indiquent aux passants, quand vous passez devant, l'état de votre compte bancaire. On en est pas si loin. Il y a déjà quelques années, un copain, installé à New York, m'expliquait que la deuxième question que lui posait irrévocablement une fille avec qui il avait un "rendez-vous" (en français, dans le texte), était le nom de sa banque. Vue qu'il était chez Citygroup (l'équivalent de la Banque Postale), il a fini par comprendre qu'il n'aurait jamais aucune chance…

Bon, je vous laisse, je ne sais pas si je vous ai donné envie de lire "Super triste histoire d'amour", mais taper un texte sur un iPad (Caro a accaparé l'ordi), c'est trop galère. Bisous mes cailles

Édit : en vérité, j'ai pas trouvé qu'elle était si pourrie que ça notre soirée de la St-Valentin. Et puis, disons que l'aquarium, c'était une sorte d'avant-goût de l'île Maurice, non ?

Littérature jeunesse: les conseils de Marje, #1

IMG_1835

Parmi les lectrices de ce blog, il y en a une qui s’appelle Marje et qui nourrit une passion pour la littérature jeunesse. C’est un peu la base de son métier, mais je ne suis pas certaine que toutes les responsables de CDI soient aussi calées et surtout capables de parler avec autant de joie et d’enthousiasme des bouquins. Elle a déjà conseillé quelques pépites à ma fille ainée et de fil en aiguille, est née cette idée de vous proposer une sélection qu’elle aurait faite. Je vous en livre un premier épisode aujourd’hui, la suite sera pour la semaine prochaine. Il est donc question cette fois-ci d’ouvrages destinés aux petits. Pour les ados, il faudra patienter quelques jours. Je me tais et je laisse la parole à Marje, que je remercie encore chaleureusement… En lire plus »

Rien n’est trop beau, de Rona Jaffe (et d’autres choses)

Photo-15
Comme je le disais dans les commentaires récemment, j'ai calé sur un bouquin porté aux nues dans toutes les rubriques littéraires de magazines en décembre. "Freedom" de Jonathan Franzen. Sur le papier, il avait tout pour me plaire: une histoire de trio amoureux sur fond de rétrospective de ces 30 dernières années aux Etats-Unis. Je ne vais pas dire que c'est un mauvais livre, je vois très bien ce qui a pu séduire les critiques et les lecteurs conquis. Le style est d'une perfection très universitaire, les personnages sont campés comme seuls je trouve savent le faire les auteurs américains, il y a une atmosphère, une analyse très fine de la société américaine, des renoncements de ceux qu'on nomme aujourd'hui bobos, un regard sans pitié sur leurs compromissions, etc.

Sauf que… sauf que je me suis copieusement emmerdée. Et qu'aux trois quarts j'ai décidé, et cela ne m'arrive que très rarement, de lâcher l'affaire. J'ai évidemment un peu honte, parce qu'à priori, il fait partie des incontournables du moment. Mais en même temps, lire pour moi est un plaisir non coupable qui raccourcit mes nuits. Quand cela devient corvée, le manque de sommeil n'a vraiment aucune justification.

Du coup, j'ai décidé d'embrayer sur un livre friandise, acheté à Noël entre deux cadeaux. Un livre bonbon, qui donc se passe comme il se doit – condition sine qua non du livre bonbon – à New-York. Et traite de la vie et des amours de jeunes femmes travaillant dans une maison d'édition. Sur un mode chorale. 

Là où "Rien n'est trop beau", de Rona Jaffe, puisque c'est de cet ouvrage qu'il s'agit, diffère d'un banal et énième opus de chick lit', c'est que c'en est en quelque sorte l'ancêtre. La genèse. Premier du genre, si vous préférez. Ecrit dans les années 50, il raconte le parcours de quatre filles arrivées à New-York comme on monte à Paris, pour faire leur vie. Si le style, un peu désuet, n'a absolument rien de "Franzien"  ce bouquin est pourtant un page-turner comme on les aime. On s'attache à Caroline, Barbara, April ou Gregg. Leur naïveté, leur désir d'émancipation, en fait les pionnières d'un féminisme non revendiqué mais bien réel. Dans ces années là, le simple fait de décider de travailler avant de passer par la case mariage était en soi un acte politique.

Sauf que. Sauf que ces héroines, à l'instar de tous les personnages féminins secondaires, n'ont malgré tout qu'une seule idée en tête. Trouver le mari qui les libèrera du joug de leurs patrons et les fera entrer dans le rang des femmes respectables qui n'ont pour seule préoccupation de pondre des enfants et d'assortir les rideaux du salon au canapé. Je ne sais pas dans quelle mesure l'auteur porte un regard critique ou non sur ses personnages. J'ai plutôt lu ça comme un documentaire et de ce que j'ai compris de l'avant-propos, c'était un peu l'enjeu du livre, le premier jamais écrit sur ces abeilles travailleuses, payées au lance-pierre sans réelle perspective d'évolution autre que celle de devenir secrétaire en chef. Ce qui peut rendre assez compréhensible l'aspiration au mariage.

Il y a du Mad Men dans les dialogues et les descriptions, il y a quelque chose des nouvelles d'Edith Wharton aussi. Il y a un embryon de ce qu'on verra des années plus tard dans des séries comme Sex and the city. Complicités féminines, alcool à gogo, coucheries, etc. Mais il y a surtout ce poids du regard de l'homme, cet enfermement des femmes, contraintes souvent de céder aux avances de leurs patrons sous peine d'être virées, gentiment invitées aussi à se faire avorter et en silence s'il vous plait.

C'est amusant, parce que ce qui ne se présente donc que comme un bouquin sans prétention – et qui fut un best seller incroyable à l'époque – est en réalité une peinture romancée mais je pense très réaliste malgré tout de la société new-yorkaise des années 50. Reste à savoir dans quelle mesure tout cela a-t-il vraiment évolué. Je suis de celles qui se revendiquent féministes sans rougir, convaincue que l'indépendance financière est un gage de liberté non négociable. Pourtant, force est de reconnaitre et d'observer que tout le monde ne partage pas cette conception. Peut-être parce que rien n'est fait pour permettre aux femmes, toutes les femmes, pas uniquement les bac +5, de s'épanouir à l'extérieur du foyer. Rien n'est fait pour encourager les mères de famille à conserver une activité, quand grossesse rime avec placard et petite enfance avec galères de crèche.

Plus de 50 ans ont passé et pour beaucoup d'entre nous aujourd'hui, être mère au foyer représente encore souvent un refuge plus rassurant et épanouissant qu'un emploi. Je ne suis pas certaine que ce soit très positif, même si pour avoir bossé près de dix ans dans un environnement très peu propice à la vie de famille, je peux comprendre. J'ai la vague impression d'avoir trouvé une sorte de troisième voie avec ce choix de la vie en free lance. Même si régulièrement, je me roule par terre pour obtenir du churros qu'il prenne une journée enfant malade, étant donné que dans "bosser chez soi", il y a certes "chez soi" mais juste avant, il y a "bosser". 

Bref, c'était un billet complètement désorganisé comme je sais si bien les écrire, mais piochez-y ce qu'il vous plaira !

Edit: J'ai cru comprendre que certaines s'étaient inquiété hier en raison de l'absence de billet, don't worry, simplement un emploi du temps un peu trop chargé ces derniers temps. Mais merci.

Livres pour Noël et histoires de balance

  DSC_0146.jpg_effected
C'est chancelante et nauséeuse que je tape ce billet. Après deux jours à pleurer ma maman que j'ai mal au ventre et à prier le ciel de connaitre à nouveau cette curieuse sensation qu'on appelle la faim, j'ai le maigre espoir de revenir à la vie, juste à temps pour m'enfiler de bon coeur toasts au foie gras et autres joyeusetés.

C'est sûr, l'avantage c'est que j'ai gratté un peu de crédit pour les inévitables kilos de la noël.

Mais là où je vois que dites-donc, j'ai bien changé, c'est qu'en réalité je n'en ai cure.

Non mais si, je vous jure, moi qui bénissait mère nature cette truie à la moindre alerte de gastro pour les quelques centaines de grammes dont je pourrais me délester, je me fiche éperdument cette fois-ci de savoir de combien j'ai maigri. Aussi, et c'est encore mieux je trouve, je n'angoisse pas pour ces fêtes. Je ne saurais l'expliquer, mais je crois que j'ai lâché l'affaire. Attention, pas complètement, je me pèse toujours aussi régulièrement. 

En réalité, ce qui s'est passé, c'est que ma femme de ménage a involontairement pété ma balance. Mais bien pété hein. Je la soupçonne d'être montée dessus et de ne pas avoir apprécié ce qu'elle y voyait (ma femme de ménage et moi sommes un peu pareilles sur ce plan). 

Bien sûr, j'en ai racheté une. Mais le modèle que j'avais n'étant plus en rayon, j'ai opté pour la gamme au dessus, celle qui soit-disant peut calculer aussi ta masse de gras et de muscles inside.

Le drame.

Non seulement cette petite trainée nous a tous gratifiés d'un bonus de deux kilos, mais elle m'a carrément mis dans le rouge niveau gras. Pire: à chaque fois que je perds un peu, elle me stigmatise (parfaitement) d'un gros "moins de muscles" qui s'affiche en rouge. Bien sûr, si jamais je reprends, bim, c'est de la graisse que je suis allée récupérer. Si ça continue avec elle j'aurai la même composition que le Brillat Savarin.

Et bien croyez-moi ou pas mais tout ça m'a complètement… détendue du gland. Comme de toutes façons elle surpèse, je ne sais pas trop ou j'en suis, donc je me fie à mes vêtements qui ne semblent pas serrer plus qu'avant. Et bizarrement, alors que ces derniers temps j'avais à nouveau, parfois, des angoisses incontrolables sur le sujet, ça m'est passé. Je n'irai pas jusqu'à vous conseiller d'investir quelque 50 euros dans une balance un poil secouée (non mais 45% de matière grasse, l'autre) mais peut-être qu'il me fallait ça, perdre mes repères.

Bref, je n'avais absolument pas l'intention de vous parler de ça, l'idée était dans un premier temps de m'excuser pour l'absence totale de billets cadeaux, bouquins et best-off sur le blog. Alors même que je vous avais demandé votre avis sur la question. Preuve s'il en est que je ne parviens absolument pas à planifier quoi que ce soit sur ces pages. 

Je sais qu'il est désormais un peu tard mais comme j'ai très mauvaise conscience, voici une liste non exhaustive des livres que j'offre le plus souvent. Ils ne sont pas tous récents, ne sont pas d'une originalité folle mais je sais qu'avec eux, je ne me plante pas. Jamais eu de réclamations.

– A une fille qui aime les histoires de filles: "Les divins secrets des petites yayas" de Rebecca Wells

– A une fille qui aime les grands espaces américains et les histoires d'amour très tristes: "Dalva", de Jim Harrison

– A quelqu'un qui veut rire: "Le chameau sauvage" de Philippe Jaenada et "Sheila levine est morte et elle vit à New-York" de Gail Parent

– A quelqu'un qui se masturbe beaucoup: "Portnoy et son complexe" de Philippe Roth

– A toute personne qui ne les aurait pas lues: "Les chroniques de San Fransisco" d'Armistead Maupin

– A quelqu'un qui aime les histoires qui se passent à New-York: "Trente ans et des poussières" et "La belle vie" de Jay mc inerney et aussi "Tout ce que j'aimais" de Siri Hustveldt

– A un garçon qui aime les polars (ça marche aussi pour les filles évidemment): la série des mcKenzie et Genaro de Denis Lehane (prières pour la pluie, un dernier verre avant la guerre, etc)

– A n'importe qui réfléchit beaucoup au sens de la vie: "D'autres vies que la mienne", d'Emmanuel Carrère et "Rien ne s'oppose à la nuit" de Delphine de Vigan

– A quelqu'un qui aime les sagas et l'accent québecois: "Les chroniques du plateau du mont royal" de Michel Tremblay (découvert grace à Despé, grâce lui en soit rendue)

– A une (pré) ado: "Quatre soeurs" de Malika Ferdjouk (en livre ou en BD, signée Cati Baur et franchement géniale)

– A un (pré) ado: "Le livre des étoiles" d'Erik Lhomme

– Aux enfants qui aiment les livres jolis, qui apprennent des choses et sur lesquels on peut écrire: n'importe quel opus de l'épicerie de l'orage, petite maison d'édtion marseillaise créée par un couple adorable et rock and roll.

Voilà, je reviens demain pour un dernier billet pour la route. Après, je ferai une pause d'une semaine, je crois, parce qu'à force de me convaincre qu'en free lance, pas de vacances, j'ai la désagréable impression de ne jamais débrancher. Et je crois qu'à force, ça n'est pas très bon.

Ah et sinon, donc, avant que je sois mourue, j'ai consenti à accompagner le churros et les enfants voir les vitrines de Noël (alors même que je ne cautionne pas du tout la Lagerfeld touch de cette année). Résultat: objectivement, celles des Galeries Lafayette sont très belles mais n'ont rien de la magie enfantine des automates de mon enfance (que j'allais regarder au centre commercial de la Part Dieu). Quant à celles du Printemps, les poupées Karl sont ridicules et les autres, plutôt jolies aussi mais si je veux voir de la pub pour Chanel, je vais… avenue Montaigne. Bof, donc.

DSC_0076.jpg_effected
DSC_0078.jpg_effected
DSC_0085.jpg_effected
DSC_0095.jpg_effected
DSC_0101.jpg_effected
DSC_0102.jpg_effected
DSC_0106.jpg_effected
DSC_0151.jpg_effected
DSC_0185.jpg_effected
DSC_0162.jpg_effected

Room, d’Emma Donoghue

EnterRoom

Mon amie C (ma dealeuse) m'avait prévenue: "attention, grosse claque".

Je peux vous dire qu'elle n'avait pas vraiment exagéré.

De quoi me parlait-elle ? De ce livre, Room. Un ovni, dont le procédé narratoire m'a fait penser à "La vie devant soi" de Romain Gary. L'histoire est en effet contée par un petit garçon de cinq ans, ce qui peut vite s'avérer casse-gueule, rien de plus irritant qu'un adulte tentant de prendre la voix d'un enfant en en singeant la pseudo candeur.

Sauf que là, ça marche au delà de l'entendement, au point qu'on finit vraiment par se demander si ce n'est pas Jack qui a réellement écrit le livre.

Quant au pitch, il tient en quelques mots. Jack vit avec sa maman adorée, dans une fusion totale qui semble dans les premières pages confiner au malsain. Leur univers se borne aux murs de la cabane dans laquelle ils vivent et leur solitude est telle que Jack personnifie la Télé mais aussi monsieur Tapis ou encore madame Plante.

Très vite – et je ne pense pas vous gâcher la lecture du bouquin en vous le révélant, c'est écrit en 4ème de couv – on réalise l'horreur: la vie de Jack et de sa maman se borne vraiment aux murs de la cabane qui n'est en réalité qu'une chambre. Prisonniers d'un malade qui a kidnappé la jeune femme il y a sept ans de cela, ils n'ont pour seule ouverture sur le monde extérieur la lucarne de la cahute. Parce que Jack est né là et que sa mère a préféré lui faire penser que cette vie là était normale, elle lui a fait croire que le "Dehors" n'existait que dans la télé et que la vie c'était ça, cet ilot minuscule, rythmé par les visites nocturnes terrifiantes de Grand méchant Nick et le "cadeau du dimanche" qu'il consent à leur offrir, consistant en général en un bien de première nécessité. 

Ce qui est d'une force incroyable c'est la cohabitation d'une angoisse d'enfermement ressentie par le lecteur avec cet émerveillement devant cette peinture de l'amour total d'un enfant pour sa mère et inversement. Avec cette question soulevée, que se pose toute mère un jour: "est-ce que la bulle dans laquelle on voudrait parfois rester avec son petit serait viable à terme ? Pour vivre heureux, vivons cachés ?".

Je ne vous en dis pas plus, si ce n'est que l'histoire raconte surtout comment justement Jack va parvenir à affronter le "Dehors", sa mère réalisant qu'il est désormais grand, à cinq ans, et qu'il faut le faire sortir, au péril de sa vie à elle et peut-être de la sienne.

Je ne saurais que trop vous conseiller ce livre, une fois de plus. Il n'est pas gai et en même temps on rit beaucoup parce que la façon dont cet enfant bulle regarde notre monde est souvent cocasse et confondante de pertinence. On pleure aussi parce que c'est avant tout une histoire de la captivité et de ses dégâts. Captivité de la mère, de l'enfant, peut-être la nôtre aussi. C'est enfin, en tous cas je l'ai lu comme ça également, une allégorie de la matrice dont il est parfois si difficile de s'extraire ou de faire sortir son petit. Bref, précipitez-vous, c'est écrit comme un polar, c'est un ovni et c'est, pour paraphraser C., une grosse claque.

Veuf, de Jean-Louis Fournier

Veuf
Je suis en train de lire "Veuf", de Jean-Louis Fournier. Lui même qui m'avait déjà fait chialer avec "Où on va papa". Des larmes entrecoupées de rires pas corrects parce que se marrer des histoires absurdo-poétiques de deux enfants handicapés, c'est pas vraiment admis en société.

Il réitère, et là aussi, on rit. Ou plutôt, on sourit, mais c'est le genre de sourire qui te laisse un goût salé quand même.

Dans "Voeuf", Jean-Louis Fournier raconte les jours qui ont suivi la mort de Sylvie, son alter ego depuis 40 ans, sa femme chérie. Pas vraiment un roman, pas vraiment un essai, pas vraiment un recueil d'aphorismes, un peu tout ça à la fois.

Je crois que rarement l'expression selon laquelle l'humour est la politesse du désespoir aura été plus appropriée. Jean-Louis Fournier tourne en dérision tous ces à côté du deuil, du questionnaire de satisfaction des pompes funèbres qui se termine par ce savoureux "recommanderiez-vous ce crématorium à vos proches ?", aux amis qui se voulant réconfortants lui prédisent des mois de chagrin. Il se rappelle sa blague sur la ligne de métro quand il s'arrêtait à Père Lachaise: "Tout le monde descend !" Sylvie riait. Sauf qu'en fait, remarque-t-il, elle seule est descendue, lui continue jusqu'à la porte de Bagnolet. 

"Veuf", c'est une déclaration d'amour, surtout.

"J’ai eu beaucoup de chance de la rencontrer, elle m’a porté à bout de bras, toujours avec le sourire. C’était la rencontre entre une optimiste et un pessimiste, une altruiste et un égoïste. On était complémentaires, j’avais les défauts, elle avait les qualités. Elle m’a supporté quarante ans avec le sourire, moi que je ne souhaite à personne. Elle n’aimait pas parler d’elle, encore moins qu’on en dise du bien. Je vais en profiter, maintenant qu’elle est partie." 

C'est aussi une réflexion sur l'absence et sur l'après. Je crois qu'une de mes phrases préférées, c'est celle-ci, qui résume à elle toute seule la poésie de Jean-Louis Fournier, qui fut le grand ami de Desproges, dont il a le mordant, la tendresse en plus: «J'ai regardé à l'intérieur de tes chapeaux s'il ne restait pas une petite pensée pour moi…»

Rien ne s’oppose à la nuit

Get.aspx 

En 2008, la mère de Delphine de Vigan, Lucile, s'est donné la mort. Elle avait 61, 20 ou mille ans c'est selon. C'est sa fille, l'auteur de ce livre et de tant d'autres désormais que j'ai tous aimés, qui l'a découverte. Traumatisme dont on ne se remet pas et que Delphine de Vigan a peut-être tenté de conjurer en écrivant cet ouvrage.

Pour noircir les pages de « Rien ne s'oppose à la nuit », elle s'est lancée dans une entreprise homérique, interviewant chaque membre de sa grande famille, afin de percer le ou les secrets de cette mère si particulière. Une mère si jeune, dont la beauté – c'est elle sur la couverture du livre – fut peut-être le plus lourd des fardeaux. Une mère dont la maladie ne fut diagnostiquée que tard, après une énième crise de délire. Maniaco-dépressive. Bipolaire.

Bien sûr, la famille de Lucile est des plus dysfonctionnelles, peuplée de doux dingues, hantée par le décès de trop d'enfants. Par cette singularité, il est difficile de s'y identifier et ce n'est pas l'objet. Pourtant, au delà de toute l'originalité féroce de cette tribu, ce livre m'a parlé comme peu l'ont fait.

Parce qu'il y est question de maternité, de la façon dont on trouve sa place dans une fratrie, de cet amour dévorant entre mère et fille et de la mort de la mère, de ce vide qu'il est impossible de combler, jamais. Il est aussi question de l'écriture, de son pouvoir dévastateur et pourtant rédempteur. Il y a plusieurs histoires dans l'histoire, celle de Lucile, à laquelle on s'attache en dépit de sa folie qui n'est pas toujours douce, celle de Delphine et de son attachement à cette mère qui l'aime mais lui fait si mal. Il y a l'histoire de ce travail sans fin que représenta l'accomplissement de ce presque devoir de mémoire.

Delphine de Vigan m'impressionne, au sens propre du terme, à chacun de ses romans. Son écriture est de plus en plus épurée, pas un mot ne dépasse. Tout le long de ce livre, elle exprime sa peur de trahir ses proches en écrivant ce qu'ils ont été. Je ne connais pas ses proches, je ne connais pas Delphine de Vigan, mais je crois qu'elle a réussi l'exploit justement de ne jamais être dans un quelconque jugement, une quelconque accusation. Même les personnages les plus troubles en sortent aimables.

Je ne vous le conseille pas, je vous en conjure : lisez « Rien ne s'oppose à la nuit ».

"Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l'écho inlassable des morts et le retentissement du désastre. Aujourd'hui je sais aussi qu'elle illustre, comme tant d'autres familles, le pouvoir de destruction du verbe et celui du silence".